La construction (ou la modernisation) des halles connaît un véritable âge d'or au XIXème siècle, surtout dans la deuxième moitié et jusqu'au début du XXème. Un des facteurs historiques décisifs doit être recherché dans l'abolition des droits féodaux lors de la Révolution qui rend les communes bénéficiaires des droits de place ; dès lors, l'attractivité commerciale fait l'objet d'un soin attentif de la part des municipalités. A cela s'ajoutent la croissance démographique et les nouvelles considérations d'hygiène qui imposent la rénovation ou la reconstruction des marchés. La halle devient ainsi un des principaux monuments publics qui organisent l'espace social de la cité, avec les hôtels de ville souvent reconstruits eux aussi à la même époque. A Cauterets, les deux édifices sont même directement adossés dans un programme commun passé à l'architecte Prosper en 1880.

Des programmes architecturaux différenciés



Pour répondre à ces ambitions, des bourgs parfois modestes font appel à des architectes renommés dont l'orientation plus ou moins académique ou novatrice va inspirer le programme architectural choisi. On peut ainsi comparer dans trois chefs-lieu de canton du département trois exemples montrant une approche esthétique différente :

A Castelnau-Magnoac


Un imposant édifice se situant dans la tradition de la halle architecturée à arcades (1877-1879, du même architecte départemental Prosper) offrant une façade de 40m, encadrée par deux avant-corps recevant les écoles primaires à l'étage (aujourd'hui bureau de poste et bibliothèque municipale).

A Trie sur Baïse


Une halle-mairie (1884, architecte Claverie) combinant un beau bâtiment d'ordonnance classique dont l'architecture répond à l'église et l'ensemble de la place d'Astarac avec deux pavillons métalliques accolés de part et d'autre, agrandissant le marché couvert ancien désormais insuffisant.

A Vic-Bigorre


Ville pionnière dans le département, la municipalité charge Jean-Jacques Latour d'édifier la première halle entièrement métallique dès 1860.

Typologie


Parmi les modèles métalliques (qui sont ceux qui nous intéressent ici) , on peut distinguer deux grands types sur le plan formel et fonctionnel :

la halle-pavillon fermée


s'ouvrant par des portes à caractère monumental, s'inspirant plus ou moins du modèle Baltard plutôt destinée au marché alimentaire quotidien.
Ex : Lourdes, Bagnères, ancienne Halle Brauhauban à Tarbes.

la halle-parapluie


simple abri destiné à la foire aux bestiaux ou volaille périodique ou halle aux grains, marché hebdomadaire ; constituée d'une toiture légère, posée sur de fins supports, donc d'un coût relativement modeste, elle connut son essor plutôt au tournant du siècle et jusqu'aux environs de 1910.
Ex : Maubourguet, Rabastens, ancienne halle aux grains de Bagnères.

VIC BIGORRE


Historique :


Projet de construction d'un marché couvert adopté par le conseil municipal en 1857.
L'architecte Jean Jacques Latour est chargé du plan et devis en 1860.
Travaux effectués par l'entreprise Daney de Bordeaux en 1861-62.
Mais en janvier 1867, de grosses chutes de neige provoquent l'affaissement du pavillon central ; pour consolider l'édifice, l'entreprise Compan érige 22 colonnes supplémentaires en 1874.
Dallage et pavage sont terminés en 1882.
Des travaux récents de restauration (2004) ont été menés à bien par Pyrénées Etudes Ingéniérie (verrière refaite et reprise partielle de la charpente métallique).

Description générale :


C'est une halle caractéristique de l'époque Napoléon III, implantée à la place d'une ancienne halle en bois de taille plus réduite ; l'actuel parvis de la halle était autrefois une place où se tenait le marché au bois. Elle est édifiée comme une place couverte sur de fines colonnes de fonte décorées, ceinturée par une grille qui, tout en laissant l'espace ouvert à la vue, permet de sécuriser la marchandise entreposée avant l'ouverture du marché. Légère et élégante, elle offre un grand volume à une bourgade somme toute assez modeste.

Caractéristiques techniques :



Dimensions :56,25 x 43,75 m.
Surface couverte : 1936 m2.
Hauteur totale : 11,60 m.

Plan d'ensemble.

Le pavillon central de 468 m2 est porté par 16 colonnes dont 4 maîtresses.
Il est surmonté par un grand lanterneau vitré qui projette sa lumière sur le carré central réservé aux grains.


Les bas-côtés s'appuient sur 30 colonnes reliées entre elles par des arbalétriers droits .
Les grilles qui ceinturent l'édifice contribuent au contreventement de la structure porteuse.
Les colonnes en fonte moulée creuse, mesurent 4,17 m de haut pour 0,14 de diamètre (épaisseur fonte 1,5 cm) et reposent sur des socles en pierre de Lourdes.
La charpente en fer marie gracieusement poutres droites en treillis et arcatures formant plein-cintre autour du pavillon central.

Au bas des fûts des 4 colonnes principales, on peut lire, moulés dans le métal, une série de dédicaces sur 4 faces :
Napoléon III empereur.
Garnier ,préfet des Htes Pyrénées, Darros maire.
J J Latour architecte.
Daney Frères constructeur Bordeaux.

HALLE LOURDES


Historique :


Cette halle fut d'abord construite à Toulouse sur la Place de Pierre (future Esquirol).
Projet en 1860, adjudication en 1862, fin des travaux en 1865 (André Denat architecte, constructeur Dubois, Toulouse).
Démontée en 1892 à cause de la restructuration de la place et adjugée à l'entrepreneur ferrailleur Hérail, elle est immédiatement rachetée par la ville de Lourdes, acheminée par chemin de fer et reconstruite sur la place du « Champ Commun » ; le gros du chantier se déroule en 92-93 mais des travaux de finitions retardent la mise en service définitive en 1896. Notons que ce choix d'une halle de « seconde main » se fait au détriment d'un projet de halle neuve à nef unique (type Marcadieu) rejeté surtout pour son coût plus élevé.

Rénovée récemment, elle est désormais divisée en deux parties aux fonctions distinctes, correspondant aux deux pavillons d'origine :

  • le marché alimentaire urbain quotidien
  • la nouvelle médiathèque du Grand Lourdes (voir plus loin la rubrique rénovation)

Description générale :



Elle présente le modèle type de la halle fermée, directement inspirée des nouvelles halles de Paris dessinées par Baltard, et sans doute la plus proche de ce modèle dans le département ;
Deux pavillons identiques en fer et fonte, reliés par un passage couvert, ouvert aux deux extrémités.
Aux angles extérieurs, 4 bâtiments comprenant les logements des gardiens, sont réalisés en pierre et briques.

Dimensions :
Longueur : 90 m.
Largeur : 30 m.
Surface couverte : 2700 m2.


La rénovation de l'édifice a bien mis en valeur ses qualités constructives et esthétiques, en soulignant nettement en façades le rythme créé par l'ossature en fonte et ses arcs surbaissés grâce en particulier au jeu chromatique et les effets de matière persiennes bois/métal.
de même, l'aménagement intérieur du marché a souligné la qualité de la décoration de fonte moulée.

HALLE MARCADIEU, TARBES


Historique :

Un premier projet de halle abritant le marché est envisagé dès 1836, mais ce n'est qu'en 1880 que la municipalité Molard décide de consacrer un budget de 400 000 F à cette construction (à noter qu'au même moment on prévoit 480 000 F pour la halle Brauhauban , mais il est vrai financée par un legs privé). Le choix de l'assiette de la halle sur la place est fait le 25 mars 1880, le programme du concours publié le 21 avril. 4 projets sont présentés à la commission d'examen constituée le 19 mai : c'est le projet « Verax » de l'entreprise Joret et Cie, ingénieurs-constructeurs à Paris qui est retenu. Les travaux se déroulent de 1880 à 1882, la réception définitive par Louis Caddau, architecte de la ville, ayant lieu en 1884.
Ultérieurement, des travaux de réfection de la toiture interviendront en 1934 (couverture en ardoise de Labassère par l'entreprise Besques) après la tempête de 1927 et une calamiteuse tentative de réparation en ouralite Eternit , « véritable passoire » selon les termes du rapport officiel. Enfin, la très récente rénovation intégrale a été menée par la municipalité Trémège et confiée à l'Atelier d'Architecture Larrondo-Laforgue de Tarbes en 2003 (réalisation 2004-2005) (voir plus loin la partie C- 2 consacrée aux opérations de rénovations).

Description générale :

En réponse au programme-concours demandant « l'édification d'une halle qui devra être d'une grande solidité et d'une certaine élégance », l'entreprise Joret présente une halle monumentale, à nef unique, ouverte sur les quatre façades, ces entrées marquant l'axe des rues et carrefours de la place Marcadieu ; quatre pavillons (concierge, poste de police, bureau de pesage et vérification) renforcent les angles du bâtiment.
Bâtie comme un îlot urbain, au coeur du quartier des marchés qui scandent fortement la vie économique et sociale de la ville, elle constitue un lieu généreux, hospitalier, devenu un outil primordial de l'image de Tarbes aujourd'hui.
le choix de construire une halle à nef unique, portée par de grandes fermes sans appui intermédiaire, ménage un vaste espace intérieur, d'une ampleur inégalée dans l'ensemble de la région.

Caractéristiques techniques :

Longueur: 83,50 m (à l'extérieur des murs de pourtour).
Largeur : 51,50m.
4300 m2 couverts.
Carreau central : 66 x 34 m, couvert d'un seul tenant sans appuis intermédiaires.
Hauteur maximale sous le lanterneau central : 18,50 m.

Ce carreau central est entouré par une galerie couverte en forme de bas-côtés de 8 m de large.
La couverture est portée par une ossature métallique structurée par de grandes fermes transversales ; d'une portée de 33,50 m, elles sont fixées sur 28 piliers en fer (24 pour les parties courantes, 4 pour les angles).
Chaque pilier repose sur un dé de pierre auquel il est fixé par de fortes tiges de scellement ; le pilier lui-même est constitué de 2 plate bandes en tôle de fer reliées entre elles par 2 âmes et 4 cours de cornières de 60x60cm.
La stabilité de l'ensemble est assuré par un système de tirants rigides reliés aux retombées de chaque pilier, d'entraits et de pannes sablières en treillis fixés à 6 m de hauteur.
à l'extérieur, une marquise de 3 m de large et 5,50 de haut court tout autour de l'édifice ;
elle souligne l'étagement des différents niveaux de toitures.
Enfin, 4 portes d'entrée de grandes dimensions (6,70 m de large) assurent la circulation des biens et des personnes.

BAGNERES DE BIGORRE


Historique :


Comme Tarbes quinze ans plus tôt, la ville de Bagnères entreprend la construction simultanée de deux halles :
  • un marché aux légumes (Place Ramond) ici présenté
  • une halle aux grains près de l'église Saint Vincent (aujourd'hui démolie, voir plus loin : C-1 « à nos chères disparues ») Le chantier est confié en 1896-98 à l'entreprise Gabelle de Marseille qui fait valoir, pour emporter le marché, son expérience acquise en Provence, Languedoc et Algérie.
La restauration récente, menée par Martine Miguez-Lacrouts et Philippe Guitton (GCAU) a remis en valeur l'ensemble des éléments de l'ossature, de la toiture y compris son clocheton ainsi que les différents matériaux de clôture.

Description générale :


Ancrée comme un îlot au coeur du quartier ancien, c'est la halle urbaine typique aux deux pavillons symétriques, traversée par une rue intérieure facilitant la circulation des marchandises .Chacun des deux pavillons est surmonté par un grand lanterneau assurant un bon éclairage naturel grâce aux larges verrières, solution assez hardie à l'époque (et reprise lors de la restauration).

Les deux entrées, au caractère monumental souligné, décorées de lanternes vitrées, de terres cuites et de parties émaillées, se détachent des pavillons adjacents.

Caractéristiques techniques :
Dimensions : 32.50 x 28.25m.
Surface : 1176m2.
Marquise en saillie de 2. 20 m, hauteur 3.30 m.

La charpente repose sur 4 poteaux qui encadrent l'allée centrale et sur l'ensemble des colonnes en fonte situées en périphérie du bâtiment ; l'ossature est consolidée par des poutres en treillis horizontales (sablières) situées à environ 5m de hauteur...
La halle est clôturée par des murs de briques reposant sur un soubassement de pierre en rez-de –chaussée tandis que les persiennes et poutres en treillis laissent passer la lumière au niveau supérieur.

MAUBOURGUET


Historique :

Une première halle au rez-de-chaussée du bâtiment communal (aujourd'hui mairie) fut édifiée au milieu du XIXème, sur plans de Jean Jacques Latour, livrée en 1849. Début XXème une nouvelle halle est prévue sur l'emplacement du marché aux céréales ;l'architecte tarbais Gustave Labat en dépose les plans en 1907, l'adjudication des travaux est faite en septembre 1908 : L'entreprise Raymond Olive de Maubourguet se voit confier la maçonnerie, terrassements, menuiserie , couverture mais la structure métallique est attribuée à Guillot-Pelletier d'Orléans.

Description générale :

Halle en parapluie, formée de trois nefs accolées, ouverte et d'accès direct, coiffée d'un couverture légère ,éclairée par de grands lanterneaux (un sur chaque nef).
Les pignons des 3 nefs à l'est et à l'ouest sont vitrés et décorés.

Dimensions :
Longueur 30m.
Largeur totale 26m.
Surface 780m2.
Une nef centrale de 10m de large.
Deux nefs collatérales de 6m.
Deux auvents sur consoles de 2m de volée.

Les colonnes en fonte creuse de 18cm de diamètre forment 5 travées de 6m dans le sens de la longueur;elles supportent une charpente en acier (fermes, poutres et pannes).

RABASTENS DE BIGORRE


Historique :


Rabastens ,modeste chef lieu de canton, mais ville-marché spécialisée dans le négoce des bestiaux, construit presque simultanément au tournant du siècle, deux halles aux fonctions différentes.

1 - sur la place centrale, le marché aux céréales en 1899-1900, destiné au marché hebdomadaire.
constructeur Joseph Fléchet (St Barthelemy, Isère), supervisé par Gardey, faisant office d'architecte de la ville.
Halle-parapluie à ossature de poteaux-treillis portant les fermes métalliques
ouverte en partie basse, la halle est enveloppée en partie haute d'une paroi vitrée et ventilée par la toiture.
Le carreau se compose d'une allée centrale de 8m de large entourée d'un péristyle de 6m de large sur trois côtés ; une marquise extérieure de 2,20m entoure l'ensemble.
2 - la « halle aux cochons » (1901), sur la place du Foirail, près de l'église, destinée aux foires aux bestiaux.
construction : entreprise Courtial (Paris)
simple hangar de plan basilical (une nef centrale, deux bas-côtés), succession de sept travées (10 m de haut au faîtage, 6,90 de large) formées par de grandes fermes métalliques ;
ces fermes sont consolidées par des consoles rivées et par un système articulé appelé « Polonceau », qui évite le contreventement (ce dispositif, illustré ici, est utilisé dans de nombreuses constructions métalliques semblables, à la même époque ; nous ne le signalerons donc plus dans les autres édifices de ce chapitre).
L'Architecture du XX siècle en Hautes-Pyrénées
VOLET N°1 : UNE INTRODUCTION A L'ARCHITECTURE MODERNE
L'ARCHITECTURE DU FER : HALLES & MARCHES
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Travail de recherche
Maurice MORGA - Professeur retraité
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Florent Lafabrie - CANOPE des Hautes-Pyrénées