Première grande manifestation de la modernité architecturale au XIXème siècle, l'architecture du fer accompagne l'avènement de la civilisation industrielle en même temps que la naissance de la ville moderne. Tout à fait exemplaire à ce sujet, la ville de Tarbes qui, après que la Compagnie des Chemins de Fer du Midi a édifié sa gare dans la décennie précédente, construit quasi simultanément dans les années 1880 :

  • la halle Marcadieu
  • la halle Brauhauban
  • la serre du Jardin Massey
  • le kiosque à musique des Allées Nationales.

Une relation dynamique avec l'essor de la révolution industrielle


En effet, l'architecture du fer répond à de nouveaux programmes d'aménagement engendrés par les progrès techniques ainsi que par la circulation générale des biens et des personnes qui lui ouvrent de vastes champs d'activités :

  • construction des grands réseaux de chemin de fer (d'où gares, ouvrages d'art type viaducs…)
  • entrepôts, docks portuaires
  • grands marchés d'approvisionnement des villes en pleine croissance (ex les halles de Paris)
  • grands magasins au coeur de ces mêmes villes (à Paris « Au Bon Marché » ouvre en 1852, le Printemps en 1865, la Samaritaine en 1869…)
  • édification d'ateliers industriels à même de recevoir les nouvelles fabrications (textile, métallurgie, constructions mécaniques…).

En même temps,l'industrie métallurgique lourde et d'équipement fournit en abondance et à bon marché les matériaux qui rendent possibles les nouvelles techniques constructives.
A noter à ce propos une évolution importante :
Le premier âge de la construction métallique utilise surtout des éléments de fonte moulée assemblés selon des méthodes proches du système de charpentes en bois (poteaux/poutres).
A partir des années 1870 la construction en fer et acier rivée et boulonnée la remplace dans la plupart des édifices de grandes dimensions en permettant la réalisation d'arcs ou fermes de grande portée (exemple des viaducs ferroviaires).

Cette offre nouvelle est produite en particulier par des entrepreneurs-constructeurs comme Gustave Eiffel le plus connu, mais aussi Schwarz-Haumont, Fives-Lille-Cail ou la Société des Batignolles ; ils développent l'usinage des composants et appliquent la précision du dessin technique aux structures porteuses. Sur les chantiers, l'assemblage rapide est facilité par la standardisation des éléments livrés sur tout le territoire grâce au réseau ferroviaire et l'utilisation de nouveaux outils performants (machines à river à vapeur, puis électriques, puis marteau pneumatique par ex).

Ci-dessous, l'exemple des plans de l'entreprise Gabelle (de Marseille) qui construit la halle de Bagnères de Bigorre

On peut souvent retrouver leur signature sur les colonnes ou piliers de leurs réalisations.

Architecture du fer et rationalisme


L'essor de l'architecture du fer donne ainsi l'occasion à « l'esprit moderne » d'impulser un nouveau courant dans l'histoire de l'architecture :la seconde partie du XIXème et notamment le Second Empire en France voient l'affirmation d'un courant « rationaliste » (qui sera appelé plus tard « fonctionnaliste »).Son premier maître à penser est Eugène Viollet-Le-Duc (1814-1879) et un de ses premiers grands praticiens Henri Labrouste (1801-1875) auteur de la Bibliothèque Sainte Geneviève (1843-1850) et surtout de la Bibliothèque Nationale (1868-1878) à Paris.

Viollet-Le-Duc en effet n'est pas seulement le restaurateur bien connu de nombreux monuments historiques récemment inventoriés sous la direction de Prosper Mérimée ; par ses écrits (son « Dictionnaire raisonné de l'architecture française du XIème au XVIème siècle ») et son enseignement à l'école des Beaux Arts de Paris (réuni en volume en 1863 sous le titre « entretiens sur l'architecture ») il a exercé une influence considérable sur des générations de jeunes architectes et anticipé de plusieurs décennies les théories des « modernes » du début XXème (Le Corbusier publie « vers une architecture » 60 ans plus tard). Sa formule « si la forme indique nettement l'objet et fait comprendre à quelle fin cet objet est produit, cette forme est utile »… précède largement « la forme suit la fonction » de l'américain Louis Sullivan un des fondateurs de l'Ecole de Chicago au tournant du siècle. Mettant en relief la profonde cohérence entre formes et fonctions du style gothique médiéval (analysé comme un système constructif complet), il se fait l'adepte de la « vérité des formes » qui à ses yeux doit présider à une architecture rationnelle et non décorative ou académique. Intégrant machinisme et matériaux nouveaux dans sa « manière de penser l'architecture », il préconise par exemple l'usage de l'ossature métallique dans laquelle il voit l'équivalent moderne de la croisée d'ogives et de la révolution architecturale qu'elle a engendrée au Moyen Age.

L'architecture des ingénieurs


Ce nouveau système constructif est promu en grande partie par le corps en plein essor des ingénieurs animés par un esprit d'efficacité parfois d'inspiration saint simonienne qui entre en concurrence avec la puissante corporation des architectes, traditionnellement fournie par l'Ecole des Beaux Arts de Paris qui incarne alors l'architecture officielle et académique largement baignée d'historicisme et d'éclectisme (les différentes modes « néos » : gothique, roman, Renaissance…etc).

Cette opposition se manifeste tout particulièrement lors des grandes Expositions Universelles (Paris en 1855, 1867, 1889, 1900) qui sont l'occasion de la confrontation visuelle entre les deux tendances avec le grand public pour spectateur (voir par ex la polémique autour de la Tour Eiffel).

De même, la construction des gares dans tout le pays manifeste de façon explicite aux yeux du public le contraste entre les bâtiments d'accueil le plus souvent d'architecture maçonnée à caractère monumental et les grandes halles métalliques couvrant voies et quais qui se veulent strictement utilitaires.

Voir ci-dessous l'exemple de la gare de Tarbes (cartes postales anciennes).
On peut cependant observer le recours fréquent à un compromis esthétique sous la forme d'un « style composite » où l'ossature métallique est habillée par une enveloppe à caractère monumental en pierre (ou tout autre matériau traditionnel) propre à rassurer le public et surtout les commanditaires (villes, Etat) encore bien timides en matière artistique.
Voir par ex à Paris le Grand Palais et la Gare d'Orsay (aujourd'hui musée) tous deux construits à l'occasion de l'Exposition Universelle de 1900, qui masquent leurs prodigieuses verrières par un habillage pompeux de pur « style Beaux Arts ».

A Tarbes, la défunte Halle Brauhauban montrait à merveille la pratique de ce compromis esthétique.
On voit ainsi que l'innovation technique apportée par le fer et l'acier va métamorphoser progressivement l'architecture en l'éloignant des pastiches ou des formules répétitives imitant les styles passés ; le fer (tout comme plus tard le béton) ouvre la route à un nouvel art de construire.
Photographies de Maurice MORGA
L'Architecture du XX siècle en Hautes-Pyrénées
VOLET N°1 : UNE INTRODUCTION A L'ARCHITECTURE MODERNE
L'ARCHITECTURE DU FER
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Travail de recherche
Maurice MORGA - Professeur retraité
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Florent Lafabrie - CANOPE des Hautes-Pyrénées