Cette période correspond au grand essor des stations de montagne dans le contexte de la croissance économique des Trente Glorieuses, qui favorise l'accès aux sports d'hiver grâce à une relative démocratisation du ski ; en effet, le boom des loisirs engendré par la hausse des revenus et l'allongement du temps libre touche particulièrement les classes moyennes salariées et moyennes supérieures (cadres, professions libérales…) qui vont constituer le gros de la clientèle des stations de ski. Les Pyrénées, moins prestigieuses et moins bien situées que les Alpes se tournent aussi vers des couches sociales plus populaires, espérant drainer ainsi une clientèle régionale (les métropoles de Bordeaux et Toulouse particulièrement) et nationale (Bretagne et Centre-Ouest)… d'où des équipements spécifiques tels que colonies de vacances été/hiver et des centres de séjour collectifs souvent liés à des comités d'entreprise ou des caisses d'allocations familiales. L'élan est donné à la charnière des années 50-60, mais le Plan Neige décidé en 1964 accélère l'exploitation de « l'or blanc » en incitant à la création de stations de haute montagne (et en les finançant en partie).

On peut distinguer sur le plan de l'aménagement deux formes principales :

  • soit le concept de station d'altitude, créée ex nihilo, à proximité immédiate des champs de neige, conçue comme un ensemble urbain ultra fonctionnel et spécialisé, au service exclusif du ski : c'est le cas de La Mongie ou Piau Engaly. On peut rapprocher ce type d'aménagement « au pied des pistes » de celui en œuvre au même moment sur certaines côtes françaises où sont conçus des ports de plaisance « les pieds dans l'eau » comme Port Grimaud près de Saint Tropez ou les stations nouvelles du littoral Languedoc-Roussillon comme La Grande Motte ou Port Camargue.
  • soit le concept de station de vallée, articulée sur un village préexistant et qui lui donne une identité visuelle propre ; l'accès aux champs de neige se faisant alors par funiculaire (c'est l'exemple de Barèges), par téléphérique (Saint Lary) ou par cabine (Cauterets) ; une liaison routière est parfois réalisée à grands frais (St Lary-Soulan, Luz-Ardiden, Val Louron).

Sur le plan proprement architectural, dans ces décennies de modernisation accélérée, il est difficile de trouver une touche à proprement parler « pyrénéenne » et c'est bien plutôt d'une diffusion des modèles alpins à laquelle nous assistons :

  • vogue du chalet néo savoyard.
  • influence de l'Ecole de Courchevel manifeste dans les principales stations de ski.
  • cependant quelques touches locales se développent, la plus répandue étant le mur-pignon à penaous qui devient plus un poncif traditionnaliste qu'une formule véritablement novatrice.
  • il faut rechercher les productions les plus novatrices dans les réalisations d'Edmond Lay qui s'échelonnent sur un vingtaine d'années de la fin des années 60 au début des années 80.

Ajoutons l'aménagement de la station intégrée de Piau Engaly qui est l'occasion d'une recherche architecturale et urbaine digne d'être comparée, au moins dans l'esprit, à certaines réalisations originales des Alpes de Savoie comme Flaine ou Avoriaz.

L'Entre-Deux-Guerres où s'esquissent ponctuellement des expériences d'architectures inspirées par les traditions locales, puis, la charnière des années 40-50, à l'orée du grand mouvement moderne des 30 Glorieuses (Chap III).

Le grand boom des années 60-70 porté par le Plan Neige et l'essor des grandes stations de ski (Chap. IV).

Enfin le réajustement récent, depuis les années 70-80, moment « postmoderne » de l'architecture de montagne, tandis que se poursuit, notamment dans l'habitat péri urbain le goût toujours renouvelé pour une architecture à caractère régionaliste inspirée par l'architecture rurale vernaculaire (Chap V).


LA VOGUE DU CHALET ALPIN

Les premiers pas des stations de ski dans l'immédiat après-guerre ou au début des années 50 sont marqués par la construction de nombreux chalets à usage d'auberge ou d'hôtellerie de montagne, apparemment inspirés par le modèle du chalet traditionnel savoyard ; ainsi ces réalisations peuvent apparaitre dans un premier temps comme des pastiches sans originalité d'un type d'architecture régionaliste « importé » des Alpes vers les Pyrénées.

De fait, nous observons à ce propos le même phénomène que celui de l'arrivée du style néo basque que nous avons étudié dans un chapitre précédent ; dans les mêmes années 1920-30, des modèles de chalets néo savoyards sont élaborés par l'architecte Henry-Jacques Le Même pour la station de Megève : le premier d'entre eux a été imaginé dès 1925 en réponse à une demande de la baronne Noémie de Rothchild qui désirait une « ferme savoyarde » dans cette station lancée au lendemain de la 1ère Guerre Mondiale. Achevé en 1927, ce chalet conçu comme un hôtel particulier en montagne ou encore celui édifié pour Angèle de Bourbon lui serviront de carte de visite auprès d'une clientèle huppée et cosmopolite à la recherche d'un confort raffiné pour ses loisirs d'hiver. Henry Jacques Le Même contribue ainsi à définir et fixer un « type » d'édifice bien précis et fonctionnel qu'il baptise lui-même « chalet du skieur », interprétation moderniste de la ferme savoyarde qui va connaître un succès durable et se diffuser bien au-delà des Alpes du Nord dans tous les massifs montagneux qui se tournent vers les sports d'hiver : il répond à un programme précis qui est celui d'offrir des conditions de confort et de commodité optimales à une clientèle fortunée pendant une saison caractérisée par la rigueur des températures hivernales (observons à ce sujet qu'il s'agit là d'une nouveauté assez radicale car jusque là le tourisme de montagne se pratiquait plutôt en été)

Ce type se reconnait en premier lieu par son élévation générale en 3 parties distinctes à la fois par leur apparence extérieure et leur différenciation fonctionnelle :

  • un soubassement paré de pierres de taille destiné à recevoir les pièces de service (notamment rangement du matériel de ski, chauffage central pour le confort général du chalet, garage pour voiture…)
  • l'étage noble, lui, est enduit de couleur claire, avec de larges ouvertures sur le paysage et une grande galerie ou balcon en bois bien exposée au Sud ; c'est là que l'on trouvera les principales pièces à vivre (living room, salle à manger, salon de repos) agrémentées d'une cheminée quelque peu monumentale et dessinée avec soin dans le goût Art Déco.
  • enfin de vastes combles aménagés en chambres et couverts à l'extérieur d'un bardage de bois, en général vertical, qui outre sa fonction d'isolation thermique contribue fortement à l'identité montagnarde de l'édifice ; si les pièces à vivre sont en général vastes car destinées à accueillir un nombre important de résidents, les chambres sont plutôt réduites mais l'ergonomie des meubles, lits (parfois superposés), rangements, permet de loger un grand nombre de personnes dans de bonnes conditions de confort (ajoutons que les leçons de l'aménagement des cabines de paquebots et des recherches sur l'habitat moderne ont trouvé ici un nouveau champ d'application). Le tout est couronné par une vaste toiture à deux pans largement débordante pour protéger les murs, mais à pente assez faible en général de manière à retenir le manteau neigeux.
  • Ce modèle, avec ses diverses variantes, va connaître une grand succès couronné par sa présence au pavillon de la Savoie à l'Exposition Internationale de Paris en 1937.


Cette formule à succès va trouver dans les Pyrénées les faveurs d'une clientèle moins fortunée grâce à sa capacité d'adaptation à des programmes plus modestes mais variés, allant du chalet privé à l'hôtellerie de montagne ou au chalet de vacances pour collectivités telles que comités d'entreprise ou associations de loisirs (Club Alpin, UCPA…).


Par ailleurs, les années 60 voient s'élaborer une version plus singulière du chalet de vacances dans une interprétation plus hardie (mais de taille modeste) pour des programmes d'habitat destiné à la location saisonnière.
C'est le cas des formules expérimentées à La Séoube par les architectes Edmond Lay et Yves Cansot (PC accordé par la commune de Campan en 1967) et Jacques Toulon pour son « abri delta 40 » (PC 1969)
Par leur gabarit d'ensemble, la forte pente de leurs toits, leur façade-pignon et leur distribution intérieure sur 2 niveaux (pièce à vivre en rez-de-chaussée, chambres au-dessus) elles semblent s'inspirer des granges traditionnelles campanoises dont subsistent encore aujourd'hui des exemplaires bien conservés et entretenus.


Là aussi une formule à succès qui va essaimer dans tout le Haut-Adour notamment à Payolle où le lotissement « les quatre saisons » dessiné par E. Lay est mis en chantier au cours des années 70, mais aussi jusque dans les refuges de montagne tels que celui du Campana de Cloutou ; on le trouve également en vallée d'Aure (St Lary, Vielle Aure).


L'INFLUENCE DE L'ECOLE DE COURCHEVEL


BAREGES


Sur le plan architectural, un changement significatif, en rupture avec le bâti traditionnel, peut être observé précisément au cœur de Barèges ; dès 1954 et sous l'impulsion de son dynamique maire Urbain Cazaux ce petit village thermal se dote d'un important et imposant complexe casino-cinéma dont les traits architecturaux se retrouveront dans nombre d'édifices ultérieurs dans les autres stations ; elle est l'œuvre de Paul De Noyers, actif au même moment à Lannemezan auprès de Noël Le Maresquier : il produit ici un vaste bâtiment à ossature de béton armé mais présentant sur sa façade principale et la tour qui la jouxte un appareil irrégulier de pierre du pays qui l'inscrit dans la tradition du bâti local tandis que les façades sud et ouest sont couvertes d'un bardage en bois plutôt d'inspiration alpine ; en même temps la juxtaposition du vaste plan incliné de la toiture principale et des volumes très géométriques des deux corps de bâtiment inscrit résolument cet édifice dans l'esprit moderniste des années 50. Ces volumes sont soulignés par une spectaculaire charpente débordante traitée comme un élément de pittoresque montagnard, inspiré du chalet alpin.


Non loin de là, la gare de départ du funiculaire de l'Ayré présente aussi quelques-uns des traits soulignés ci-dessus, quoiqu'à une échelle plus modeste.


En haute vallée d'Aure, nous retrouvons une architecture similaire dans la commune d'Aragnouet-Fabian (locaux de la DDE et logements communaux).


En fait, cette architecture semble déjà influencée ou en tout cas en phase avec les recherches menées dans les Alpes de Savoie par l'équipe de l'Ecole de Courchevel constituée dans l'immédiat après-guerre autour de Laurent Chappis ; de leurs travaux, imprégnés de Le Corbusier et de la Charte d'Athènes, se dégagent les principes d'une architecture moderne de montagne se démarquant des modèles régionalistes traditionnels peu ou prou inspirés par le chalet savoyard que nous avons présentés précédemment :

  • toits à un seul pan, à faible pente
  • volumes cubiques
  • revêtements de bois (bardages ou clins)
  • usage de larges pans vitrés (ouvertures horizontales)

Ces principes vont se diffuser rapidement au-delà de la Savoie et marqueront pour longtemps l'art de bâtir en montagne et nous les trouvons par conséquent très répandus dans nos stations pyrénéennes.

LE CAS DE SAINT LARY


C'est à l'initiative de son maire Vincent Mir que ce petit village de la vallée d'Aure doit son essor touristique qui démarre très symboliquement par la mise en service du premier téléphérique moderne des Pyrénées en 1957 permettant l'accès direct aux pistes de ski du Pla d'Adet (en fait c'est dès 1954 que la commune a décidé de créer une station de sports d'hiver) ; la fusion avec le village de Soulan permit l'extension du domaine skiable, puis le percement du tunnel Aragnouet-Bielsa en 1971 contribua à consolider la station en permettant de toucher une clientèle nouvelle en Espagne.

Pendant une vingtaine d'années, des années 50 aux années 70, Saint Lary va donc connaître un spectaculaire développement urbain et voir s'éclore un échantillonnage significatif de la production architecturale de style montagnard ; cette production architecturale, sans ligne directrice ni volonté apparente d'aboutir à une certaine homogénéité stylistique peut être qualifiée de « création spontanée » typique des années d'euphorie immobilière propre à la période. Elle présente un mélange singulier d'esprit moderne et de pittoresque montagnard (souvent hors contexte) ; il s'agit moins d'inventer une nouvelle architecture régionale que de trouver des formules modernes et fonctionnelles à la problématique des loisirs de masse à la montagne (sports d'hiver avant tout mais aussi séjours d'été). On trouve donc des formules très diverses répondant à des programmes eux-mêmes très variés, allant de l'hôtellerie traditionnelle au chalet résidentiel (s'adressant tous deux à une clientèle individuelle plutôt aisée), ou aux centres de vacances destinés à une clientèle plus modeste (comme celle gérée collectivement par les comités d'entreprise par exemple). Tout cela donne lieu à l'éclosion de styles variés allant de propositions proches du style vernaculaire local (notamment maisons à murs-frontons à « penaous ») à des réalisations que l'on pourrait qualifier de « hors sol », formules « passe-partout » que l'on peut trouver dans presque tous les massifs montagneux français à la même époque comme les nombreuses formules dérivées du modèle du chalet alpin à ossature ou parement de bois.

C'est à l'entrée de la commune voisine de Vielle-Aure que par le plus grand des hasards on trouve juxtaposés quatre édifices représentatifs de certaines variantes exposées ci-dessus.


Au cœur du nouveau St Lary se trouve bien sûr la gare de départ du téléphérique ainsi que les édifices (hôtel-résidence Pic Lumière 1962, Hôtel Sporting) construits au cours de cette phase initiale qui nous semblent être les plus proches de l'esprit de l'Ecole de Courchevel.


Un peu plus loin, à la fin de la décennie des années 60, sur le versant bien exposé nouvellement loti (rue de l'Oasis, rue des Isards) ou dans le lotissement Ste Marie (1967-69) surgissent nombre de chalets soit individuels (souvent résidences secondaires) soit collectifs (gérés par des comités d'entreprises) qui sont plutôt des variations sur le thème du chalet, et un Village Vacances Familles (VVF, 1968)) qui symbolise la démocratisation des loisirs propre à la période que nous étudions ; c'est dans ce bâti que l'on trouve le plus de ces éléments de « pittoresque montagnard » fondés sur l'utilisation répétitive du bois en bardage et en charpente extérieure débordante et qui sont en fait plutôt alpins que véritablement pyrénéens (la ferme ou la grange de nos vallées étant plutôt maçonnée en pierre brute apparente ou crépie)


Parallèlement, au Pla d'Adet, point d'arrivée du téléphérique, au pied des pistes, une première génération d'édifices du même type voit le jour.


On peut opposer à ce type de croissance urbaine mal contrôlée ou parfois assez anarchique comme dans le cas de La Mongie (voir ci-après). l'exemple de la station de Piau Engaly en haute vallée d'Aure, conçue comme un ensemble homogène, intégré et soucieux de son insertion dans son environnement de haute montagne.

PIAU-ENGALY: UNE STATION INTEGREE, A L'ARCHITECTURE ORIGINALE


Historique :
Le projet d'aménagement de la station remonte aux années 60 dans le contexte du Plan Neige ; après avoir construit la route d'accès au site et plusieurs remonte-pentes, Aragnouet s'assure la maîtrise du foncier grâce à un accord avec les communes voisines de Vignec et Cadeihan-Trachère en 1977. La construction s'étale entre 1979 et 1985 ; l'architecte bordelais Jean Marc Vialle associé à Philippe Sanchez en est le maitre d'œuvre.

Le projet , une station intégrée :
S'appuyant sur des atouts naturels incontestables (fort enneigement 7 mois/an) et l'ouverture récente du tunnel de liaison avec l'Espagne Aragnouet-Bielsa, l'aménagement vise à une capacité de 3 000 lits incluant appartements individuels, 3 villages de vacances et un hôtel. La station étant située en lisière du Parc National des Pyrénées récemment créé, l'architecture est soumise à des contraintes esthétiques et fonctionnelles qui vont lui donner son originalité et son identité visuelle ; en effet, à l'opposé de la prolifération désordonnée des constructions comme au Pla d'Adet de Saint Lary ou de La Mongie, il s'agit ici d'aménager d'un seul bloc une station intégrée (c'est-à-dire regroupant en un seul ensemble cohérent les différentes fonctions d'une station) dont l'architecture est conçue pour s'harmoniser au mieux avec son environnement de haute montagne (elle est entourée de sommets de plus de 3000m faisant partie du Massif du Néouvielle ou des crêtes-frontière). Le dossier de réalisation précise que « lignes, silhouettes, masses, seront étudiées en tant qu'éléments d'une composition d'ensemble » et « les volumes seront de forme simple et devront s'accorder aux formes du paysage » ; de même, les matériaux utilisés devront contribuer par leur harmonie de couleurs, leurs tonalités neutres, non agressives, à l'insertion dans le site. Par ailleurs, la circulation automobile est rejetée à l'arrière des bâtiments et limitée aux seuls accès aux immeubles dont la desserte finale se fait par des passages exclusivement piétonniers.

Description :
L'ensemble est constitué principalement par 4 bâtiments en forme d'arc de cercle, adaptés au dénivelé de la pente, chacun semblant s'enrouler autour des buttes ou mamelons rocheux qui constituent le site primitif ; les façades principales sont orientées en fonction de l'ensoleillement et leur inclinaison à 45° permet à cet ensoleillement de bénéficier aux terrasses ou loggias de chaque appartement. Commerces, services et accès aux pistes sont regroupés dans un ensemble circulaire semi enterré au centre de la station.

Sur le plan esthétique, l'association du béton structurel et des plans inclinés en bois produit un résultat remarquable qui donne toute son originalité à la station.

Des travaux de rénovation au cours de ces dernières années, accompagnés du remplacement de cette armature-bois ont d'ailleurs permis de mieux observer le parti constructif et architectural des bâtiments.


EDMOND LAY ET L'ARCHITECTURE DE MONTAGNE : « UN REGIONALISME CRITIQUE » ?


Installé à Tarbes depuis 1962 à son retour des Etats-Unis, Edmond Lay reçoit à la fin des années 60 et au cours des années 70 plusieurs commandes qui vont lui permettre d'expérimenter diverses formules d'architectures à caractère montagnard ; ces réalisations, par un heureux hasard, se trouvent localisées dans les trois principales vallées des Hautes Pyrénées, soit :

  • la vallée de Campan (La Séoube et Payolle)
  • la vallée d'Aure (St Lary)
  • la vallée des Gaves (Gavarnie)

On y retrouve la plupart des principes ou caractéristiques déjà observées dans ses principales réalisations bigourdanes des années 60 (Résidence Le Navarre à Tarbes, mairie de Juillan, villa personnelle et atelier à Barbazan-Debat) :

Un souci d'intégration dans le site mettant en accord le bâti et son environnement : ses réalisations essaient de se fondre dans le relief par des hauteurs limitées, des lignes horizontales dominantes et l'emploi préférentiel de matériaux locaux à la fois dans un souci de contextualisation et d'économie de chantier (gros galets, pierre de taille, bois d'essences locales, couverture en ardoise…)…on retrouve là les principes de « l'architecture organique » chers à Frank Lloyd Wright qu'il a fait siens au cours de son séjour américain.

Par ailleurs, la mise en évidence des matériaux et des procédés constructifs (bois lamellé-collé ou poutres massives en ossature/charpente, poutres ou piliers de béton brut de décoffrage, lits alternés de galets et ciment) rapproche ces réalisations du courant dit « brutaliste » moderne qui connait précisément ses heures de gloire dans ces mêmes années 60/70.

On voit ainsi qu'Edmond Lay n'hésite pas à affirmer une modernité clairement assumée tout en tenant compte des particularités de l'architecture vernaculaire ou traditionnelle, démarche qui nous semble-t-il, autorise à le rapprocher aussi du courant identifié comme « régionaliste critique » au cours des années 70/80.

Campan-La Séoube, colonie de vacances de la Caisse d'Allocations Familiales de la Gironde


Un premier bâtiment ayant été construit en 1955-57 sur des plans de George Scache, l'Atelier d'Architecture et d'Urbanisme d'Edmond Lay et Yves Cansot reçoit commande en 1969 d'une extension prévue pour accueillir 60 personnes (permis de construire délivré en Juillet 70).

Le nouveau bâtiment prolonge l'ancien et se déploie sur près de 90m, s'articulant avec le précédent par une salle de jeux/foyer partiellement à deux niveaux. La façade Sud est marquée par une spectaculaire coursive en béton qui relie l'ensemble des pièces du 1er étage tout en jouant le rôle de brise-soleil pour les pièces du rez-de-chaussée ; sa face extérieure appareillée en redans parallèles, véritable signature visuelle de l'architecte, contribue fortement à l'identité de l'édifice. Cette façade Sud, largement ouverte au soleil et à la lumière contraste avec le côté Nord dont la longue toiture descend très bas protégeant ainsi le bâti des intempéries.


La vue côté Est montre le jeu savant des matériaux choisis par l'architecte pour une mise en œuvre renouvelée des matériaux locaux (ardoise, galets de torrents, bois de résineux) combinée à un béton utilisé ici pour ses qualités expressives.


Tout à côté de ce centre de séjour, la maison du gardien est par contre construite dans un esprit plus proche de la tradition des granges campanoises (les trois chiens assis qui percent le toit ont été rajoutés lors de travaux de transformation en 1985-86).


Non loin de là, une maison privée construite ultérieurement (1982) par Yves Cansot (rappelons qu'il a longtemps été un collaborateur d'E. Lay) montre une intéressante tentative de réinterprétation de cette même architecture vernaculaire, démarche que nous retrouvons dans les gîtes communaux construits à Payolle.


Le site de Payolle


La commune de Campan souhaitait aménager sur le site de Payolle, à proximité d'un plan d'eau artificiel de 12ha, un véritable complexe de tourisme et de loisirs sportifs : outre les lieux d'hébergement dont la maîtrise d'œuvre est confiée à Edmond Lay, étaient prévus piscine avec plongeoir, golf miniature, terrains de tennis, basket, tir à l'arc et même patinoire en plein air !

Le permis de construire est délivré en avril 1970, mais le programme initial sera réduit à la partie hébergement comprenant deux parties distinctes :
  • un >centre d'animation (accueil, hôtel-restaurant) au bord de l'eau, ce sera l'Arcoch.
  • un groupe d'une quarantaine de gîtes communaux, un peu en retrait, appuyé sur les premières pentes.

Une 2ème tranche, à réaliser par une société privée, est prévue non loin de là, comprenant une centaine de résidences secondaires.


Centre d'animation l'Arcoch
Il est formé d'une pyramide à base carrée, couverte en ardoise, dont l'ossature s'articule sur des points d'ancrage extérieurs à l'édifice, utilisés come des points forts visuels, véritable bastions de béton armé bruts de décoffrage, participant de la forte identité de l'édifice.


A l'intérieur, une grande cheminée centrale à foyer ouvert organise l'espace du bar-restaurant.


Une longue aile horizontale accueille les studios qui s'ouvrent par une terrasse-promenade sur le lac avec en arrière plan le paysage du plateau de Payolle ses forêts de sapins et le Pic du Midi (vu du sud-est).


Une « architecture organique »
Les lignes générales, les pentes des toitures proches de celles de la pente naturelle qui entoure le site, l'ancrage de la construction sur sa parcelle, le choix des matériaux et couleurs (ardoise, enduits gris, menuiseries en sapin…), l'organisation de l'espace intérieur autour d'un foyer central, tout indique ici la filiation avec l'enseignement du grand architecte américain Frank Lloyd Wright qu'E. Lay a rencontré longuement lors de son séjour de plusieurs années aux Etats-Unis.

Ce même esprit se manifeste dans la construction des gîtes communaux voisins :accolés par petits groupes de 2 à 4 et soigneusement installés sur des pentes qu'ils épousent, ils font penser aux petits hameaux de fermes ou granges qui jalonnent la vallée de Campan ; mais il ne s'agit pas ici d'une architecture-pastiche, chacun d'entre eux affichant une tranquille modernité par les larges ouvertures pratiquées dans les façades bien exposées au soleil tandis que la distribution intérieure se veut résolument contemporaine (avec notamment une chambre-mezzanine créant deux niveaux).


Saint Lary : la salle omni sports (1974-75)
Sur une parcelle un peu ingrate, entre le vieux village et le gare de départ du téléphérique, Edmond Lay construit un édifice massif(qui abrite en fait le centre sportif lui-même et les ateliers municipaux en sous-sol), un quasi monolithe au gabarit inhabituel dans la station, bardé sur toutes ses faces d'une « peau » d'ardoise et assis sur des fondations/piliers à l'appareil de pierre apparente -déjà habituelles dans de précédentes réalisations- qui lui donnent un puissant ancrage au sol ; cet aspect est renforcé par les banquettes de même nature qui entourent l'édifice et constituent une sorte de socle sur lequel il semble s'élever.


Gavarnie : la maison du Parc National-mairie (plans 1980, achevée 1984)
Cette réalisation du début des années 80 nous semble en fait plus proche du modèle architectural traditionnel pyrénéen que celles décrites plus haut réalisées dans la décennie précédente ; est-ce le fruit d'un infléchissement d'Edmond Lay lui-même réinterprétant l'architecture vernaculaire ou de la volonté du commanditaire souhaitant un édifice plus proche de la tradition du bâti local… ? Nous avons là en effet, un édifice plutôt massif et trapu, dont la volumétrie et l'aspect général est proche des fermes ou granges de la vallée, surtout lorsqu'on l'observe côté nord et Ouest ; le toit à forte pente couvert d'ardoise descend très bas, ménageant une sorte d'auvent protecteur devant l'entrée, tandis que le mur-pignon Ouest, lui aussi couvert d'ardoise reprend un type de protection contre les intempéries souvent utilisé dans l'habitat traditionnel. Cependant, la façade Sud, avec sa vaste terrasse et ses galeries ou balcons s'ouvre largement sur le paysage majestueux du Cirque de Gavarnie qui constitue le cœur du Parc national.



Photographies de Maurice MORGA
L'Architecture du XX siècle en Hautes-Pyrénées
VOLET N°2 : TRADITIONS ET MODERNITES
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Travail de recherche
Maurice MORGA - Professeur retraité
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Florent Lafabrie - CANOPE des Hautes-Pyrénées