La vogue du néo basque s'amorce dès la fin du XIXème siècle avec la parution en 1896 du « Ramuntcho » de Pierre Loti qui connait un succès immédiat en inventant une province littéraire propre à séduire un public avide d'exotisme régional ; de même, l'édification à Cambo de la villa Arnaga (1903-06) pour l'écrivain Edmond Rostand par un architecte parisien (Joseph Albert Tournaire) témoigne du succès grandissant de ce retour à la tradition architecturale vernaculaire parmi l'élite fortunée qui a fait des stations balnéaires de la Côte Basque et de son arrière-pays du Labourd une de ses villégiatures préférées.


Car c'est précisément la ferme traditionnelle labourdine qui va servir en grande partie de source d'inspiration et de renouvellement à la génération des architectes qui oeuvrent dans les années 20-30, tels les frères Louis et Benjamin Gomez de Bayonne et Henri Godbarge, installé à Biarritz qui deviendra le théoricien du groupe : il publie en 1931 « Arts basques anciens et modernes » influençant profondément nombre d'architectes locaux contemporains, dont Jean Gassan qui va beaucoup travailler à Tarbes comme nous allons le voir dans le développement ci-dessous.


LE NEO LABOURD ET SES VARIANTES


Les principales caractéristiques constructives et décoratives de cet habitat traditionnel seront reprises et interprétées dans les lotissements et quartiers de villégiature qui se multiplient d'Hendaye à Hossegor :

  • Toits à pentes souvent dissymétriques, s'avançant fortement sur le pignon de la façade, pannes sablières enrichies de motifs sculptés, couvertures en tuile creuses dites romaines.
  • Etages en léger encorbellement, pans de bois soulignés de peintures vives (vertes et rouges) tranchant violemment sur l'enduit blanc.
  • Encadrement des portes et fenêtres constitué par des poteaux de bois ou des blocs de pierre ou grès rose de La Rhune.
  • Prolongement en façade des murs latéraux et murs de refend qui viennent renforcer la partition de la façade.


Rapidement, ce style néo vernaculaire inspiré donc de la maison rurale traditionnelle, d'abord utilisé pour les grandes villas, gagne l'ensemble des constructions, des bâtiment privés (villas mais aussi hôtels et immeubles résidentiels locatifs) aux programmes publics (mairies, écoles, postes…) ; d'où adaptation et interprétation de ces éléments spécifiques dans un souci de pittoresque :

  • Pans de bois remplacés par des moulures de ciment peintes en rouge.
  • Multiplication des balcons, galeries, loggias, porches abrités, terrasses, adaptés à une architecture de villégiature ouverte sur la mer ou des jardins paysagers.


Au style néo labourdin de départ viennent aussi très vite se juxtaposer des variantes inspirées de modèles géographiquement voisins. Ainsi de la maison forte ou « casa-torre » (maison-tour) de Navarre ou du Guipuzcoa qui apporte une touche hispanique parfois accentuée par des références andalouses (ferronneries, grilles aux fenêtres) des blasons ou des cartouches sculptés…


Surtout, l'extension géographique de la côte basque vers le Nord en direction des Landes va donner naissance à un style « basco-landais » dont le berceau se situe à Hossegor aménagé entre lac et océan à partir des années 1923-25 ; sous l'impulsion des frères Gomez et d'Henri Godbarge , cette élégante station devient le champ d'expérimentation de nouvelles formules d'habitat balnéaire mais aussi de véritables complexes urbains, esquissant ce qui aurait pu être un véritable urbanisme néo basque, ce dont témoigne le Sporting-Casino, véritable complexe de loisirs et le front de mer (1925-26, inachevé et en outre partiellement démoli par l'occupant allemand pendant la guerre, puis altéré par des modifications ultérieures).

Une signature visuelle de ce style est constituée par le remplissage des (faux)pans de bois par des briques apparentes en épi dites « en feuilles de fougères », référence aux maisons rurales des Maremne ou de la Haute Lande ; on peut y ajouter les larges auvents au centre de la façade, les toits en croupe, les longues galeries de bois, parfois les génoises de brique contrastant avec les enduits blancs …

LE NEO BASQUE DANS LES HAUTES PYRENEES


C'est ce style régionaliste qui est en quelque sorte « importé » en Bigorre au cours des années 30, se répandant dans les nouveaux quartiers résidentiels; d'abord apanage des couches sociales assez aisées, attirées par la mode venue de la Côte Basque, il se diffuse plus largement parmi des catégories aux revenus plus modestes, adoptant alors des formules simplifiées qui s'inscrivent dans le mouvement général d'essor du pavillon de banlieue et ce, au-delà de la Guerre jusqu'aux années 50/60 parfois. Sur ce point, on peut comparer à Tarbes le quartier Fould probablement le plus chic de cette époque avec les quartiers du Figarol et de l'American Park plutôt habités par la classe moyenne.

LE QUARTIER FOULD, GRAND ŒUVRE DE JEAN GASSAN


Ce quartier, détaché de la grande propriété Fould voisine et loti au début des années 30 va voir s'installer des villas cossues la plupart d'inspiration néo basque mais aussi Art Déco avec dans quelques cas des références hispano-andalouses.

Jean Gassan (1898-1958) par ailleurs auteur de plusieurs édifices plutôt Art Déco que nous avons présentés précédemment (voir 1ère partie : Palais des Pyrénées à Tarbes, hôtel-villa Mary à Capvern, hôtel-restaurant La Rotonde, rue de la Grotte à Lourdes…) y construira plusieurs villas de style basque ou basco landais tels que décrits dans le paragraphe précédent :


Dans le même lotissement, d'autres architectes édifient des villas dans le même goût régionaliste, avec parfois des intrusions « externes » comme la Villa Arbizon que Jean Martin construit à l'entrée, sur le Chemin de l'Ormeau, plutôt inspirée par des modèles lorrains-vosgiens, sa région d'origine. D'autres quartiers résidentiels, tels que celui que l'American Park près de l'Adour, connaissent aussi la construction de ce type de villa.


  • Ailleurs dans le département, on trouve disséminés dans chaque ville ou localité importante des exemples significatifs de cette mode.



Ajoutons pour finir que ce style néo basque ou en tous cas quelques unes de ses caractéristiques restera à la mode au-delà de la Guerre 39-45 jusque dans les années 50-60, accompagnant alors la diffusion de l'habitat pavillonnaire ouvrier ou populaire ; son expression se limitera alors à quelques traits distinctifs à caractère pittoresque, expression appauvrie liée au niveau de revenu souvent modeste de ces catégories accédant à la propriété : toits asymétriques, faux pans de bois en ciment peint, perron ou galerie sur jardin…

Plus tard et jusqu'à aujourd'hui compris nous en trouvons quelques traces dans les modèles standardisés proposés par les grands promoteurs immobiliers, producteurs de modèles « clés-en-mains » qui ont largement accaparé le marché de la maison individuelle depuis les années 1970-80 (signe que la nostalgie des modèles vernaculaires ruraux reste bien présente dans l'esprit et les rêves du citadin d'aujourd'hui).

Photographies de Maurice MORGA
L'Architecture du XX siècle en Hautes-Pyrénées
VOLET N°2 : TRADITIONS ET MODERNITES
LES REGIONALISMES
Menu
Le Néo Basque
Les origines
Développement
De la Côte Basque aux Pyrénées
Galerie d'images
Travail de recherche
Maurice MORGA - Professeur retraité
Conception multimédia
Florent Lafabrie - CANOPE des Hautes-Pyrénées