DE NOUVELLES "FABRIQUES DE JARDINS"


La multiplication des parcs et jardins publics qui caractérise le nouvel urbanisme de la fin du XIXème/début XXème, s'accompagne de la construction de nombreux édifices voués aux plaisirs de la promenade et de la sociabilité qui se répandent dans l'ensemble de la société ; ainsi, serres et jardins d'hiver, kiosques à musique, nouvelles « fabriques de jardins » viennent ponctuer et organiser ces nouveaux espaces urbains, favorisant l'éclosion d'un nouveau style d'architecture de loisirs, tout en légèreté et décor raffiné inspiré notamment de l'architecture des pavillons et folies des grands parcs privés de l'aristocratie d'Ancien Régime (notons qu'au même moment se développent les stations balnéaires et de villégiature avec leur cortège d'architectures de fantaisie : villas, hôtels, casinos…etc).

LES SERRES


Ce fut sans doute avec les serres et les jardins d'hiver que le fer trouva son emploi le plus élégant : l'alliance du métal et du verre permettait des effets de transparence et de légèreté d'autant plus spectaculaires qu'ils investissaient la totalité d'un bâtiment.

  • Jusque vers 1835 le métal n'entrait cependant que rarement dans la composition des serres ; les serres d'agrément qui prolongeaient maisons et châteaux étaient plutôt dessinées comme des bâtiments en maçonnerie munies de toitures vitrées. L'usage des profilés métalliques se répandit pendant la première moitié du XIXème, mais ils présentaient certains inconvénients, en particulier celui d'être sujets à la rouille et les eaux de condensation qui ruisselaient de ces profilés abimaient les plantes. C'est pourquoi on continua pendant assez longtemps à utiliser des profilés en bois. A cet égard, il est révélateur que les profilés utilisés pour la construction du Crystal Palace par Joseph Paxton (Exposition Universelle de Londres en 1851) aient été en bois avec deux rainures de chaque côté pour les eaux de condensation.

    quelques références célèbres de cette époque :
    Serre de Chatsworth (J. Paxton) 1836-1840 pour le duc de Devonshire
    Serre du Jardin des Plantes à Paris (1834-36) par Charles Rohault de Fleury
    Palmarium de Kew Gardens près de Londres (1844-48) par Burton et Turner, assurément un des plus beaux jamais construits.

  • La prospérité économique du Second Empire favorisa la construction de nombreuses serres privées, parfois de dimensions appréciables, ainsi que la multiplication des jardins d'hiver.

A Tarbes, voir par exemple celle de la Villa Fould en relation avec son jardin à l'anglaise (aujourd'hui parc Paul Chastelain).


Ou le projet de Jean-Jacques Latour (non réalisé) pour la villa de Placide Massey (villa devenue musée après sa mort) à la même époque.


Sans être remarquables sur le plan technique, ces constructions de luxe, signes extérieurs de richesse, se distinguaient par le raffinement des détails, leurs proportions soigneusement étudiées ; beaucoup furent construites par des entreprises spécialisées qui, dès 1855, proposaient des serres sur catalogue.

  • La diffusion des modèles fut aussi largement facilitée par les expositions universelles de Paris dont les palais pouvaient se comparer à d'énormes serres ; ils servirent d'ailleurs quelquefois, par la suite, de cadre à des expositions horticoles.

  • L'aménagement de multiples jardins publics en province ( comme le jardin légué par P. Massey à la ville de Tarbes en 1853 et qui connaît une extension de 1861 à 1876) à l'exemple des grands travaux parisiens réalisés par Alphand (sous direction d'Haussmann) offre à son tour aux villes l'occasion d'ériger d'importantes serres conçues à la fois pour la culture des végétaux et pour le plaisir des promeneurs (se promener ou flâner devient un nouveau loisir du citadin moderne) c'est le cas de l'orangerie du Jardin Massey proposée à la ville de Tarbes par l'entreprise St Eloy d'Orléans.

SERRE/ORANGERIE DU JARDIN MASSEY


Historique



Construction décidée par le conseil municipal en 1881.
La commission réunie à cet effet sélectionne le projet de l'entreprise Saint Eloy d'Orléans, écartant trois autres projets (deux entreprises parisiennes et une d'Arras) (on remarque bien ici la place des entreprises à rayonnement national dans la diffusion de « modèles » adaptables au contexte et aux budgets locaux).

Dossier technique suivi par l'architecte municipal Gustave Labat.
Adjudication des travaux en 1883.
Réception définitive par l'architecte de la ville Louis Caddau en 1886.
Cette orangerie perdra rapidement sa vocation de jardin d'hiver et sera utilisée par les services municipaux comme serre de culture jusqu'en 1960 ; très endommagée, elle fera l'objet d'une réhabilitation en 1980.

Description générale :



Tout en utilisant des matériaux modernes, la composition architecturale se situe dans la tradition classique française : Un bâtiment formé de deux ailes symétriques (l'une servant de serre tempérée l'autre tropicale) disposées de part et d'autre d'un avant-corps central couronné d'une coupole (pour l'orangerie) ; cette dernière est surmontée d'un belvédère de forme octogonale destiné à recevoir une cloche.


Ce parti constructif a donné un ensemble d'une grande légèreté et élégance particulièrement intéressant par l'intégration du décor dans les détails de construction.


Caractéristiques techniques :


Dimensions :
Longueur 35m.
Pavillon central carré 7x7m.
Ailes ; longueur 14m,profondeur 5,20m.
Matériaux mis en œuvre :
Colonnes en fonte creuse (section carrée 10x10cm pour pavillon, rectangulaires 10x8cm pour ailes).
Soubassement en maçonnerie 1,30m de haut, alternant pilastres en pierre de Chauvigny (= support des colonnes) et panneaux en briques apparentes, assise des châssis métalliques en pierre de St Pé.


Fondations en béton de 0,50m.
Décor au sol de mosaïque sur béton dans le pavillon central.


LES KIOSQUES A MUSIQUE


L'exécution de musique en plein air, limitée avant 1848 aux fanfares militaires, étant désormais autorisée par le nouveau régime républicain (Seconde République), les kiosques à musique se multiplient dans la deuxième moitié du XIXème siècle à la faveur de la création de nombreux orphéons, sociétés chorales et orchestres populaires ; ils s'ouvrent en particulier dans les jardins publics ou les promenades devenus lieux privilégiés de détente et de loisirs urbains.

Une typologie de base se définit assez rapidement, répondant à plusieurs nécessités :

  • le toit n'est pas seulement abri pour musiciens mais fait aussi office de pavillon acoustique
  • les piliers ou colonnes sont limités en nombre pour ne pas obstruer la vue
  • la scène est surélevée( on entrepose souvent les chaises au dessous)
  • le plus souvent, les matériaux employés sont des colonnes en fonte associées à des consoles en fer supportant une charpente métallique légère
  • le caractère ludique de ces kiosques est toujours affirmé par l'exubérance du décor comme les volutes qui accompagnent la charpente

La grande majorité des kiosques subsistant aujourd'hui datent des années 1890-1914 (probablement plus de 400 dans l'ensemble du pays)

KIOSQUE DU JARDIN MASSEY


Il présente une certaine unité de style alors qu'il résulte de deux édifices différents :

  • la terrasse construite in situ en 1904
  • le kiosque provenant de celui des Allées du Général Leclerc démonté en 1967


Historique :


Le premier édifié fut celui des Allées Nationales (Allées du Général Leclerc aujourd'hui) ; décidé par le conseil municipal en 1879, ce n'est qu'en 1887 qu'il trouve son financement (5000f), la réception définitive des travaux ayant lieu le 13 février 1889. Les plans choisis sont ceux de Louis Caddau, architecte de la ville, qui l'emporte sur cinq autres projets. Un dessin postérieur à la construction, conservé aux Archives Municipales de Tarbes(« projet d'éclairage, fête du 11 novembre ») montre un aspect très proche de celui que nous lui connaissons aujourd'hui (à noter le soubassement en galets de l'Adour).


Le kiosque restera en place environ 80 ans jusqu'à son démontage en 1967 à l'occasion de la restructuration des lieux (avec transfert du monument aux morts de la place de Verdun et l'érection du monument à la déportation). La terrasse, sur laquelle il est désormais installé, résulte de la décision du conseil municipal en octobre 1904 d'élever un kiosque à musique, constitué d'une simple plate-forme « la nécessité d'une couverture ne se faisant pas sentir » (il ne sert en effet qu'à la bonne saison) ; les travaux sont menés par l'architecte-voyer Lartigue.

Description et caractéristiques techniques :


Ciment armé pour le plancher (d'après système breveté Hennebique), fer forgé pour la balustrade.
Huit colonnes cannelées ornées de chapiteaux, portant à leur base des dauphins pour le rejet des eaux pluviales.


Les fermes de la couverture, fixées aux colonnes sont composées de cornières et fers plats rivées et forgés.
Les mêmes matériaux forment les consoles qui supportent l'abat-sons.


les arcs extérieurs décorés à leur sommet d'une lyre forment une sorte de feston autour de l'abat-sons, motif décoratif qui contribue à alléger l'allure du kiosque.


KIOSQUE DE LOURDES


localisation :


Allées des Tilleuls.
Installé en 1913, sous la mandature du maire Justin Lacaze, suite à un marché de gré à gré passé avec l'entreprise Verdier, il accompagne, là comme partout, l'essor des sociétés de musique.


Photographies de Maurice MORGA
L'Architecture du XX siècle en Hautes-Pyrénées
VOLET N°1 : UNE INTRODUCTION A L'ARCHITECTURE MODERNE
L'ARCHITECTURE DU FER : JARDINS PUBLIC ET PROMENADES
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Travail de recherche
Maurice MORGA - Professeur retraité
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Florent Lafabrie - CANOPE des Hautes-Pyrénées