La frénésie modernisatrice qui s'est emparée de nos villes au cours des années 1960-70 n'a pas épargné cet héritage architectural qui au demeurant n'était pas considéré comme tel à l'époque ; en effet le patrimoine bâti du XIXème siècle était encore largement méconnu voire méprisé, surtout lorsqu'il s'agissait de constructions considérées comme strictement utilitaires, ce qui était le cas des halles métalliques.

C'est ainsi que des halles d'une qualité architecturale indéniable ont disparu de notre paysage urbain sous la pioche des démolisseurs : à cet égard, la perte la plus sensible nous semble être la Halle Brauhauban à Tarbes, rasée pour faire place à un marché supposé plus fonctionnel et surtout un parking considéré comme indispensable pour maintenir l'activité commerciale du centre-ville…et du marché lui-même.

L'heure n'est plus aujourd'hui à la démolition sauvage des halles et marchés anciens mais au contraire à leur préservation au sein d'un paysage urbain désormais considéré avec intérêt dans toutes ses strates historiques ; la préservation de ce patrimoine implique souvent un travail de rénovation voire de reconversion car ces halles ont parfois perdu partie ou totalité de leur fonction originelle. Là comme ailleurs concernant l'héritage de l'ère industrielle (qu'on songe aux « friches industrielles » léguées par plusieurs décennies de fermetures partielles ou totales d'usines, aux vastes emprises ferroviaires…) il s'agit de procéder avec mesure et après l'analyse des transformations de l'espace urbain et des pratiques sociales en ce début du XXIème siècle de réfléchir à de nouveaux usages de ces lieux.

Les exemples récents de la Halle Marcadieu à Tarbes et de la Place du Champ Commun à Lourdes nous incitent à considérer avec un certain optimisme l'évolution de la réflexion à ce sujet : il y a là en effet deux rénovations réussies qui contribuent à mieux insérer ces édifices jusque-là un peu délaissés dans la vie sociale contemporaine.


HALLES DISPARUES :



HALLE BRAUHAUBAN-TARBES


historique :

Financée grâce au legs de l'ancien maire décédé Antoine Brauhauban (budget 450 000 F) alors que la ville construit au même moment la halle Marcadieu, elle adopte elle aussi un caractère monumental au coeur de la cité. Le projet adopté en 1880 est celui de l'entreprise Escande de Paris et montre bien ce choix architectural.


Installée sur l'ancien parc Buron exproprié (9357 m2), sa construction est l'occasion d'un réaménagement urbain :
  • au nord, ouverture d'une nouvelle voie vers la Rue des Grand Fossés face au Tribunal


  • au sud, aménagement da la rue Larrey, avec bientôt (1885) la construction du Théâtre des Nouveautés à l'angle de la rue de Gonnès.


description :

Le plan, inspiré du modèle Baltard, s'articule de part et d'autre d'une façade fortement architecturée, par laquelle on accède à l'allée centrale ; 4 pavillons symétriques se répartissent de part et d'autre de 2 axes de circulation.


Dans un soucis de bonne gestion des deniers publics, la ville (qui n'a que 22 000 habitants à l'époque) prévoit de n'affecter que 2500 à 2 800 m2 au marché journalier ; le reste (1 200 à 1500 m2) serait utilisé comme salle de conférences et réunions, deux salles de cours publics, une salle des ventes, logement du concierge et poste de police…bref, presque un complexe municipal polyvalent en centre ville avant la lettre !

Les photos de chantier prises lors de la construction mettent en évidence les structures métalliques demandées par le cahier des charges.


L'alternance de la pierre de Lourdes et de la brique en façade et en mur de clôture, l 'ardoise de pays en couverture, concourent à l'élégance générale de l'édifice.


Construite donc en 1880-82, la halle sera rasée en 1972 pour faire place à l'édifice actuel, avant tout conçu comme un parking de centre-ville (silo à voitures) en béton, lui-même remanié et « relooké » au cours des années 90.


On peut remarquer enfin que les documents rendus publics par l'actuelle municipalité à propos de la restructuration en cours (chantier ouvert en 2011), terminée en avril 2013 retrouvent la dimension monumentale (le grand pignon central) qui était celle des halles d'origine et dont le souvenir nostalgique reste vivant auprès de nombreux tarbais.


HALLE AUX GRAINS-LANNEMEZAN


le projet adopté par la municipalité Couget en 1886, fut réalisé en 1889-90 par l'architecte Bonnemaison et l'entreprise Théris de Tarbes. Elle fut démolie en 1967 pour construire la poste actuelle et aménager l'esplanade qui la précède (Place de la République).
La photo 2 montre l'insertion de la halle dans l'espace public central de la ville avec en arrière-plan l'ancienne poste de style Arts Déco (1934, architecte Thuries frères à Toulouse, architectes régionaux des PTT) elle aussi fâcheusement disparue à la même époque.


HALLE AUX GRAINS-BAGNERES DE BIGORRE


Construite en même temps que la halle aux légumes de la place Ramond, c'est-à-dire en 1896-98, près de l'église St Vincent. Simple abri ouvert, elle était constituée de 3 corps de charpente ayant une portée de 9m, soit une largeur en façade de 27m (plus 2m de part et d'autre pour la marquise en saillie). La longueur étant de 33m , on disposait ainsi d'une surface couverte de plus de 1000m2.


Elle a connu un sort moins radical que les deux exemples précédents ; en effet, elle ne fut pas démolie mais démontée et transférée sur la Place du Foirail au lendemain de la 2ème Guerre Mondiale ; le principe de sa fermeture comme halle fut adopté par le conseil municipal en février 1958, puis, transformée en salle de réunions et de spectacles, elle reprit du service pendant 30 ans. En 1988, l'atelier GCAU de Philippe Guitton et Jean Paul Pagnoux, chargé des travaux de la nouvelle Halle aux Grains, intégra partiellement ses structures métalliques -comme le stipulait le programme défini par la municipalité- dans le nouvel édifice inauguré en septembre 1989 : ainsi la mémoire et la trace matérielle de l'ancienne halle furent conservées, signe d'une attitude nouvelle face à l'héritage de l'architecture métallique du XIXème siècle.


HALLES RENOVEES :



REHABILITATION DE LA HALLE MARCADIEU


1. Circonstances, contexte :


Cette réhabilitation s'inscrit dans une opération de rénovation urbaine et de revitalisation du centre ancien de la ville pilotée par la mairie. On remarquera à ce sujet que la halle et la place qui l'entoure se situent à l'exacte articulation de la rénovation du centre et de celle du secteur Marcadieu/Bout-du-Pont menée par la communauté d'agglomération du Grand Tarbes. Le concours d'architectes a désigné le cabinet tarbais Larrondo-Laforgue en 2002 ; les projets déposés en 2003, les travaux au cours de 2004 ont permis à la halle de s'ouvrir rénovée en 2005.

2. Programme et analyse du cabinet d'architecture


  • Le maître d'ouvrage (la ville) demandait un aménagement reposant sur le triptyque :
    rénovation-mise en valeur-mise en conformité (réseaux, hygiène…)

  • « la halle s'inscrit sur la plus grande place de la ville, la seule offrant un bâti continu de qualité architecturale homogène…le bâtiment constituant par son élégance et son ampleur un des principaux éléments du patrimoine de la ville ».
    « l'état de conservation permettrait par une opération de restauration limitée, une remise en valeur significative de l'édifice »
    « les tarbais redécouvriront ainsi la beauté d'un édifice à l'architecture remarquable, dont la restauration constituera une application significative de la volonté de la mairie en matière de rénovation urbaine »


  • outre la fonction primordiale de marché hebdomadaire bien sûr préservée , la halle , par ses vastes dimensions et le volume intérieur disponible autorise l'organisation de plusieurs types de manifestations et spectacles, par ex : festival de bande dessinée, Mai du Livre, salon des brocanteurs, concerts musicaux… C'est pourquoi cet espace est traité acoustiquement pour accueillir ces manifestations.


3. Choix architecturaux et techniques :


• Gros œuvre
  • réfection complète des sols intérieurs avec incorporation des réseaux enterrés ,mise en œuvre en surface de carrelages en grès cérame haute qualité de résistance reposant sur un nouveau socle en béton.


  • préservation du bâti existant avec remise en valeur des éléments de maçonnerie apparents.


• Charpente métallique :
  • travail axé sur la mise en valeur des qualités originelles ; conservée dans son ensemble, l'ossature a été renforcée à la fois à la base des piliers porteurs et dans les parties hautes.
  • la mise en peinture, le traitement de surface des toits ainsi que le nouvel éclairage intérieur contribuent à souligner la légèreté et l'élégance de la structure.
  • un habillage de type lambris ignifugé, fixé sous les chevrons et voliges de la toiture, améliore le confort thermique du volume intérieur et l'isolation phonique.


Les locaux annexes demandés par le programme (pièces réservées aux services d'entretien, toilettes…) sont répartis sur la périphérie intérieure de la halle ; leur structure métallique fait référence à l'architecture de la halle dans une déclinaison plus moderne. Limités à une hauteur de rez-de-chaussée, ils ménagent de part et d'autre de la nef, une sorte de mezzanine utilisable dans le cadre de salons ou d'expositions temporaires.


• aspects extérieurs :

Les 4 grandes portes sont désormais fermées par des châssis comprenant portail principal, portes annexes et imposte vitrée, ceci dans le respect de l'architecture et des éléments de modénature de la halle.


Dépose des auvents extérieurs rapportés en façade Est(édifiés bien après la construction de la halle elle-même) et remise en état des débords de toit.
Les coloris retenus, dans la gamme des blancs aux gris, par leur retenue même et leur sobriété, contribuent à homogénéiser l'ensemble du bâtiment et à l'intégrer à l'environnement du bâti de la place Marcadieu.


Au total, la rénovation de la halle et les aménagements effectués sur la place elle-même ont permis, conformément au programme, de mettre en valeur le caractère monumental de l'édifice, d'enrichir et diversifier ses usages tout en améliorant son articulation avec l'espace urbain qui l'entoure.


RECONVERSION DE LA HALLE DE LOURDES


C'est dans le cadre de la rénovation générale de la halle, qu'après étude de la municipalité, décision a été prise de remplacer l'ancienne bibliothèque municipale de la rue Marensin par une nouvelle médiathèque mieux adaptée aux besoins du public actuel.

L'architecte choisi,Jacques Leccia, de Bayonne, conduira les travaux jusqu'à l'inauguration des locaux le 11 décembre 2007.

La médiathèque est désormais installée dans l'ancien pavillon Ouest des halles (le pavillon Est restant dévolu aux « nourritures terrestres »).
On a là un parfait exemple de reconversion totale de la fonction de l'édifice dans le respect de ses qualités esthétiques et constructives.


Là comme dans le pavillon resté marché alimentaire, l'architecte a conservé la trame formée par les travées de l'ossature en fonte (6 dans le sens de la longueur, 3 dans la largeur) et mis en valeur la riche décoration qu'elle présente.


Il a aussi profité du dispositif des bas-côtés en forme de péristyle du pavillon d'origine pour créer une galerie-mezzanine qui augmente considérablement l'espace utilisable de la médiathèque (utilisée à la fois pour des rayonnages supplémentaires et des bureaux administratifs).


Photographies de Maurice MORGA
L'Architecture du XX siècle en Hautes-Pyrénées
VOLET N°1 : UNE INTRODUCTION A L'ARCHITECTURE MODERNE
L'ARCHITECTURE DU FER : HALLES DISPARUES OU RENOVEES
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Travail de recherche
Maurice MORGA - Professeur retraité
Conception multimédia
Florent Lafabrie - CANOPE des Hautes-Pyrénées