L'ESTHETIQUE HAUSSMANNIENNE
Dans sa première phase (du Second Empire au début de la IIIème République), le style haussmannien induit par des prescriptions réglementaires strictes (alignement absolu des façades, hauteur des immeubles et des étages, homogénéité des décors…) donne naissance à des immeubles au décor simplifié dans des gammes de coloris assez retenues ; l'éclectisme prôné par les Beaux Arts est ici moins présent et la citation moins ostentatoire.
On peut néanmoins avancer que l'ordonnance et la décoration de ces immeubles font référence explicite à l'architecture Grand Siècle, celle que l'on peut observer par exemple le long des quais de la Garonne à Bordeaux (place de la Bourse) : bossage des rez-de-chaussée et entresol, formes et rythme des ouvertures des étages principaux, combles à la Mansart avec lucarnes en croupe ou en œil-de-boeuf…on peut aller jusqu'à dire que nous avons affaire ici aussi à
une transposition à l'immeuble bourgeois de l'architecture palatiale des XVII et XVIIIème siècles.
- A Tarbes, principale ville et chef-lieu du département qui s'industrialise avec l'implantation de l'Arsenal, c'est la nouvelle artère commerciale, la rue des Grands Fossés (actuelle Foch) qui voit s'égrener plusieurs exemples, entre la place du Maubourguet (actuelle place Verdun) et la Place Marcadieu. On en voit aussi quelques exemples le long de nouvelles voies comme la rue Bertrand Barère (liaison entre la nouvelle gare et le centre ville), celle-ci plus résidentielle.
Ces nouvelles artères résidentielles voient aussi s'édifier des hôtels particuliers directement inspirés des beaux quartiers parisiens, comme autour de la
rue Larrey ou la rue du IV septembre.
Ailleurs dans les petites villes ou bourgs ruraux, ce type d'édifice est plus rare mais existe néanmoins, généralement implanté sur la place ou artère centrale comme à Vic ou Rabastens.
- Mais c'est à Cauterets, « petit Paris » aux Pyrénées que l'on trouve l'artère la plus typiquement haussmannienne du département, en l'occurrence le Boulevard Latapie-Flurin, ouvert à partir de 1875 et bordé d'immeubles de prestige (hôtels d'Angleterre et Continental) ; on retrouve ici le tracé rectiligne ouvrant sur un édifice monumental en perspective (le nouveau casino) avec ses immeubles au gabarit homogène et ses façades parfaitement alignées caractéristiques de l'ordre urbain haussmannien.
- Dans les premières années du XXème, le style haussmannien, plutôt austère et répétitif, fait place à un style qui autorise plus de fantaisie ; l'assouplissement des règles d'urbanisme autorise en effet saillies et retraits en façade, dépassement des gabarits habituels qui se traduisent par la construction de combles, de balcons et loggias souvent spectaculaires, l'utilisation de matériaux décoratifs polychromes livrés par une industrie active ( la tuilerie Oustau à Aureilhan par ex) ; certains immeubles articulés sur un coin de rue arborent semi rotondes et dômes sommitaux…on peut ici parler d'un style « néo baroque » ou « néo rococo » dont la vogue, semble-t-il, a été initié par les concours de façades annuels organisés à Paris au tournant du siècle et se diffusant par la suite dans l'ensemble du pays.
- C'est dans ce contexte que s'inscrit la construction de grands édifices publics qui à leur tour vont venir renforcer, et souvent à leur profit, ce remodelage urbain : en effet, sur ces nouvelles places ou artères en cours d'aménagement, leur caractère monumental vient marquer et organiser les perspectives et dégagements, donnant aux centres des villes une bonne partie de leur « paysage » actuel. L'exemple des nouveaux hôtels de ville ou mairies de villages que nous traitons ci-après, nous semble particulièrement probant.