L'école primaire Victor Hugo à Tarbes (rue Georges Lassalle), édifiée en 1882-84 présente un compromis entre certaines références historicistes (pilastres, chapiteaux et corniches, fronton à frise lombarde néo romane du logement de fonction) et de larges ouvertures rectangulaires (destinées à éclairer les salles de classe) aux linteaux en pan de fer que l'architecte Louis Caddau n'hésite pas à mettre en valeur en façade côté rue.
L'HOTEL DES POSTES DE TARBES
- historique:
une première poste avait été ouverte en 1877 place de la Portète (actuelle Jean Jaurès), la ville souhaite que le télégraphe l'y rejoigne. Après un passage provisoire d'une vingtaine d'années place du Maubourguet (Verdun), le siège définitif de l'Hôtel des Postes, Télégraphe et Téléphone est construit de 1908 à 1911.
Architectes :
Daniel Beylard (de Paris) et
Bertrand Hauret (de Bordeaux, le même que la mairie de Lannemezan) br>
entreprise constructrice: B. Gaches de Tarbes
- un édifice fonctionnel
…« point de palais surtout » aurait dit à l'architecte le fonctionnaire de l'administration des PTT chargé de l'installation de l'édifice... « nous vendons des timbre-poste, c'est donc une usine que je vous demande et non un hôtel particulier »...aussi le programme de construction aurait-il pu avoir pour titre: «un grand magasin où l'on vend tout ce qui se rapporte au service postal »...
(extraits de l'article de la revue « l'architecte », 1910, arch. mun. Tarbes 2FI 14 et 15)
Ce programme « fonctionnaliste » se traduit en effet par un
parti rationaliste très visible sur la façade principale:
si l'édifice conserve de nombreux attributs de l'architecture style Beaux Arts (tour d'angle avec soubassement en bossage rustique ,murs en briques blanches de Blajan, socle en pierre d'Arudy, combles avec lucarnes en œil-de-boeuf...), les deux étages principaux en façade sur rue présentent par contre une architecture d'usine ou de grand magasin (telles que les Nouvelles Galeries ou Le Printemps tout proches), tandis que le 3ème étage, correspondant aux logements de fonction conserve les apparences d'une architecture traditionnelle maçonnée.
Ici, l'élément le plus intéressant est constitué par un véritable
« mur-rideau » de fer et de verre dont le parti-pris esthétique contraste fortement avec le nouvel Hôtel de Ville qui lui fait face de l'autre côté de la rue.
…« les ossatures de métal intègrent des décors de fonte ou d'acier découpé qui empruntent à la fois au vocabulaire classique et à celui du Modern Style...mais un tracé simple et orthogonal, comme la tranquille présence des rivets en façade assument franchement les nouveaux matériaux et en déclinent une esthétique nouvelle »… (Philippe Guitton, op. cit.)
Remarquons aussi l'élément moderniste constitué par la structure métallique du télégraphe (aujourd'hui démontée) qui vient couronner la tour d'angle Sud.
Comparons pour conclure cet immeuble-manifeste de l'esprit rationaliste à la poste de Lourdes, édifiée peu auparavant (aujourd'hui disparue, remplacée par l'édifice actuel) qui conserve les attributs du style éclectique « Beaux Arts ».
LES GRANDS MAGASINS
Non loin de là, face à la mairie sur la place de la République (
Le Printemps) et à l'entrée de la rue des Grands Fossés (
les Nouvelles Galeries) se sont ouverts deux de ces nouveaux magasins, succursales des grands magasins parisiens, qui bouleversent l'offre commerciale de l'époque (cf « Au Bonheur des Dames » d'Emile Zola) ; là aussi, bien qu'empreints encore de l'influence du style Beaux Arts, ils font de larges places à de grandes baies ou vitrines sur rue, affichant aussi leur ossature métallique en façade. Notons cependant que ce parti moderniste est moins marqué ici que dans certaines villes de la région comme Pau (Galeries Lafayette) ou Toulouse (Magasins du Capitole).
L'ARCHITECTURE DE LA COMPAGNIE DU MIDI
La Compagnie des Chemins de Fer du Midi, fondée en 1852 par les frères Péreire à Bordeaux ( siège à la gare St jean), a tracé pendant un demi siècle son réseau de la Garonne aux Pyrénées et à la Méditerranée ; pionnière en matière d'électrification sous l'impulsion de son directeur général Jean Raoul Paul (à sa tête de 1913 à 1932), elle se lance dans la construction de centrales hydro électriques dans les vallées pyrénéennes destinées à alimenter progressivement l'ensemble du réseau. Dans ce projet, Tarbes, plateforme industrielle et touristique était appelée à devenir une sorte de « Grenoble des Pyrénées » (selon l'expression du géographe Michel Chadefaud) ; c'est dire si notre département a été dans ces années 1910-1920 le théâtre d'un vaste plan d'équipement (voir par exemple l'implantation des Constructions Electriques de France –Alstom aujourd'hui- à Séméac ou la Compagnie Générale d'Electro Céramique à Bazet).
- La nouvelle direction de la compagnie à Tarbes, construite en 1910-11, reste d'allure conventionnelle avec son appareil « régionaliste » de briques et galets sur un soubassement en pierre de Lourdes et son toit à double pente, mais ce bâti puissant dissimule une structure en métal, et de grandes ouvertures en anse de panier ou marquées par des profilés de fer horizontaux soulignent le caractère fonctionnel de l'édifice (occupé par des bureaux administratifs).
- Plusieurs centrales sont construites dans les vallées du Gave de Pau (Soulom, 1910-13), d'Aure (Eget, 1913-19), du Louron (Tramezaïgue/La Soula, 1932-33) ainsi que les sous-stations de distribution du courant électrique installées près des principales gares ; elles sont très représentatives de l'effort accompli par la Compagnie pour doter l'ensemble du réseau d'équipements d'une qualité esthétique et architecturale homogène, sorte de « signature architecturale » identifiable. Ces installations montrent en effet une sorte de compromis entre l'esprit fonctionnaliste qui est de mise pour des équipements à caractère industriel et le souci de s'inscrire dans un contexte régional précis, sensible notamment dans le choix des matériaux et le parti d'édifier de véritables petits châteaux industriels censés rappeler certains caractères de l'architecture monumentale des vallées pyrénéennes.
Cette attention portée au contexte ou l'environnement architectural local et la tentative de trouver des formules esthétiques contemporaines renouvelant les traditions vernaculaires ou locales nous amène tout naturellement à nous intéresser maintenant au puissant courant « régionaliste » qui anime la scène architecturale en ces premières décennies du XXème siècle (voir chapitre II).