Au lendemain de la guerre 14-18, l'esprit moderniste gagne progressivement la vénérable Eglise de France; toute une mouvance d'artistes décorateurs (verriers,mosaïstes) de peintres, d'architectes, souhaite participer à ce renouvellement de l'art sacré en s'éloignant des formules quelque peu stéréotypées de la période antérieure. Déjà, dès avant la fin de la guerre, le vaste problème de la reconstruction des milliers d'églises détruites dans les régions dévastées du Nord de la France aux Vosges avait suscité de vifs débats dans la profession et parmi les décideurs quant au bien fondé de l'introduction de nouvelles techniques constructives (notamment le béton) et des arts décoratifs modernes.

Les Ateliers d'Art Sacré créés en 1920 par Georges Desvallières et Maurice Denis (qui en devient président en 1923) contribuent à cette réaction contre l'art religieux académique et les productions douceâtres et bon marché de l'art décoratif dit «sulpicien» (notamment la statuaire et les vitraux qui décorent les très nombreuses églises reconstruites au 19ème siècle):réunissant artistes et architectes, des chrétiens et des non-croyants, ces ateliers qui essaiment un peu partout travaillent ensemble sur des projets et proposent de faire rentrer l'art moderne au cœur des problématiques spirituelles.

Au sein de l'Eglise elle-même, le groupe de l'Arche fondé en 1917 est animé par Dom Bellot architecte devenu moine bénédictin qui préconise l'usage du béton dans l'architecture religieuse (une de ses réalisations les plus connues est l'église du Sacré Coeur d'Audincourt dans le Doubs-conurbation industrielle Sochaux Montbéliard, en 1928).
C'est dans ce contexte que le célèbre architecte moderniste Auguste Perret édifie en 1920-24 dans la banlieue parisienne au Raincy une spectaculaire église qui sera vite surnommée «la Sainte Chapelle du béton armé».

Dans cette même région parisienne, Mgr Verdier, archevêque de Paris, lance en 1932 les «chantiers du Cardinal», visant à construire 100 églises dans le diocèse de Paris;cet esprit de reconquête pastorale des ouvriers et populations laborieuses de la «ceinture rouge» de la banlieue parisienne se retrouvera transposée dans la banlieue tarbaise ou les petites villes industrielles des Hautes Pyrénées dans les années 50-60. Il suffit ici de citer Mgr Théas,évêque de Tarbes-Lourdes qui déclare dans le bulletin du diocèse daté du 3 mars 1960 à l'occasion de la bénédiction de la nouvelle église Ste Bernadette du Figarol à Tarbes:
«Nous entendons l'appel des âmes, l'appel de tous ces quartiers peuplés et éloignés des églises paroissiales.Là aussi on a faim de Dieu,là aussi on a besoin d'appartenir à une paroisse à taille humaine.Les spécialistes de la sociologie religieuse estiment qu'une paroisse, pour être vraiment une famille ne doit pas dépasser 5000hts...Une clameur puissante s'élève des divers secteurs de Tarbes,spécialement du Nid Bigourdan, situé dans le quartier de La Gespe et plus encore du quartier de Laubadère où une population ouvrière qui devient de plus en plus dense, a besoin elle aussi, elle surtout, du Christ qui est venu évangéliser les pauvres. Nous n'avons pas le droit d'abandonner nos frères dans leur misère spirituelle.»...et en effet, une église sera construite dans la foulée rr dans chacun de ces deux quartiers.
Les années 50-60-70 connaissent ainsi un vif élan constructif accompagné d'une ouverture au monde moderne symbolisé par le Concile Vatican II (les nouveautés liturgiques adoptées à cette occasion trouveront leur traduction dans les nouveaux dispositifs intérieurs des sanctuaires).La poussée démographique du pays et singulièrement la croissance urbaine et son cortège de nouveaux quartiers de banlieue(grands ensembles de logements collectifs particulièrement mais aussi vastes zones résidentielles pavillonnaires) incite l'Eglise à relancer une politique pastorale et constructive dynamique en direction de ces nouvelles populations.
D'où la floraison de plusieurs églises ou chapelles nouvelles dans les quartiers de La Gespe, Figarol, Laubadèe, Urac La Sendère , les Castors à Tarbes, les Bourtoulets à Lannemezan, Pierrefitte-Nestalas.

C'est dans ce même contexte que l'on doit parler ici de la basilique souterraine St Pie X de Lourdes, extraordinaire témoignage de la foi dans les vertus de l'architecture moderne et de son matériau de prédilection le béton armé (précontraint), construite à l'occasion de la célébration du centenaire des apparitions à Bernadette Soubirous.


Des années 20 aux années 50, un modernisme prudent


Dans les années 20-30, la construction d'édifices religieux devient très modeste dans notre diocèse et ceux caractérisés par un esprit moderne limitée à quelques exemples; nous en avons trouvé deux particulièrement intéressants mais relativement peu connus car inclus dans des établissements scolaires catholiques et donc non accessibles au public ordinaire.

Tarbes, chapelle des Orphelins Apprentis ou de La Miséricorde


Cette chapelle est construite au sein d'un groupe d'immeubles situés dans l'actuelle rue St Vincent de Paul en centre-ville; il y avait là depuis 1859 un orphelinat géré par les Filles de la Charité de St Paul, offrant aux enfants recueillis une formation en école ménagère portant le nom de La Ruche. Les religieuses devenant propriétaire de l'ensemble en 1927 entreprennent des travaux d'agrandissement dans lesquels s'insère la nouvelle chapelle. Les plans de celle-ci sont dressés par Joseph Hiriart (associé pour l'avant projet à ses confrères Tribout et Beau au sein de leur agence parisienne); ce même trio a conçu en 1925 le pavillon des Galeries Lafayette à l'Exposition des Arts Décoratifs de Paris ainsi que le pavillon Grès, tous les deux remarqués et salués par les commentateurs de l'époque. Joseph Hiriart pour sa part, natif de Bayonne et formé aux Beaux Arts de Paris, est surtout connu pour ses réalisations au Pays Basque où il a ouvert une agence à St Jean de Luz: en 1926 les villas Itzala et Leïhorra à Ciboure, l'Hôtel Guetharia à Guethary, le célèbre musée de la mer à Biarritz en 1931-35. C'est dire à quel point cet architecte est animé de l'esprit «Art Déco» qui transparaît pleinement dans la chapelle qu'il dessine à Tarbes dans ces mêmes années.

Celle-ci s'ouvre sur la rue par un élégante façade qui arrive à tirer parti de l'étroitesse de la parcelle avec son pignon ajouré par des claustras de ciment procurant à l'intérieur de la chapelle une belle lumière naturelle; luminosité renforcée par les magnifiques vitraux qui garnissent ces claustras orientés à l'est et bénéficiant de ce fait de la lumière du matin. La voûte en forme de berceau brisé, rythmée par des ogives en béton, est partiellement percée de claustras du même type qu'en façade qui assurent une deuxième entrée de lumière naturelle, zénithale cette fois.


Tarbes, chapelle du lycée Jeanne d'Arc


Réalisée en 1933-34 par Jean Martin, architecte DPLG installé à Tarbes en 1923 qui deviendra moins de 10 ans plus tard architecte des Monuments Historiques et architecte diocésain, elle dessert comme la précédente un établissement scolaire privé catholique.

Si son plan est assez banal, un simple rectangle qui s'efforce de rappeler le plan basilical par le jeu de trois arcatures délimitant le choeur par rapport à la partie réservée aux fidèles, la porte d'entrée est traitée comme une sorte d'arc triomphal d'inspiration Art Déco de même que le carrelage-mosaïque qui prolonge l'entrée en direction de l'autel.


C'est en effet plutôt l'ensemble du programme décoratif qui attire l'attention du visiteur ; en premier lieu, derrière l'autel, trône un vitrail représentant le Christ-roi de belle facture, œuvre de l'atelier Mosaïcristal des Frères Mauméjean qui ont également réalisé les 6 vitraux qui ornent les murs latéraux.


Leur originalité est de présenter un décor presque entièrement non figuratif très nettement influencé par l'esthétique Art Déco, composant des motifs géométriques colorés dominés par des bleus profonds, le tout d'une grande qualité esthétique.Il faut dire que les frères Mauméjean, héritiers de l'entreprise fondée à Pau par leur père en 1860, ont été récompensés par un Grand Prix dans la catégorie architecture-verre à la grande exposition de Paris en 1925. Ils ont ainsi beaucoup contribué à la revalorisation du vitrail dans l'Entre Deux Guerres, devenant la manufacture la plus sollicitée de France; on observe qu'ici, ils signent leur réalisation en indiquant l'implantation de leur entreprise à Paris et Hendaye. Ce programme est complété par un cycle de peintures formant un bandeau horizontal à mi hauteur, qui elles sont au contraire très figuratives puisqu'elles représentent des épisodes de la vie des deux saintes, Bernadette et Jeanne d'Arc ; elles ont été réalisées par René Marie Castaing, 1er grand prix de Rome en 1924. A cela il faut ajouter d'autres motifs décoratifs à base de végétation stylisée qui se trouvent sur les piliers de part et d'autre de l'entrée.


Les églises de Jean Martin en vallées d'Aure et Louron (1950-62)


Devenu architecte diocésain en 1942, Jean Martin est le maître d'oeuvre dans ces vallées pyrénéennes de trois églises neuves, reconstruites sur les ruines d'anciens sanctuaires, sans compter ses interventions pour consolider ou restructurer des églises anciennes demeurant en place.

St Lary, église paroissiale St Bertrand de Comminges


Construite en 1950-52, elle remplace l'ancienne église St Hilaire ; elle orientée à l'ouest,s'ouvrant sur le parvis à l'est par un superbe clocher-mur à la belle élévation verticale soulignée par des contreforts de béton, tandis qu'elle se clôt à l'est par un chevet plat.


La nef est formée d'un vaisseau unique de grande ampleur couvert par une voûte en berceau brisé d'inspiration néo gothique;une tribune en bois y a été construite ultérieurement s'appuyant sur le mur oriental. L'ossature en béton armé est visuellement très présente dans ses deux dimensions, verticale par les grands arcs brisés qui rythment la nef et par des poutres horizontales qui supportent la voûte.


Ce vaste espace intérieur est en outre baigné de lumière naturelle grâce à une série de lucarnes triangulaires judicieusement disposées dans la voûte, de grandes verrières perçant le mur campanaire à l'est et deux bandeaux de vitraux sur les côtés sud et nord procurant un bel éclairage latéral: leur décoration est une sorte de répertoire visuel des principaux sanctuaires de la Vallée d'Aure et de leurs saints dédiés.


Fabian, chapelle St Pierre aux Liens (commune d'Aragnouet)


Inaugurée le même jour d'octobre 1952, cette chapelle a été entièrement reconstruite à l'emplacement de l'ancienne qui avait été édifiée en 1852 puis agrandie en 1868; elle est traitée dans un style ogival régionaliste, notamment par son mur pignon campanaire précédé d'un porche revêtu d'un bossage rustique le rapprochant de l'architecture vernaculaire auroise. A l'intérieur, un vaisseau unique, une charpente apparente en bois, un choeur à chevet plat comme à St Lary.


Avajan, église paroissiale St Blaise.


Ouverte au culte dix ans après les deux précédentes en juillet 1962, elle prend la place de l'ancienne église paroissiale menaçant ruine et fermée au culte en 1959 (le clocher du XVIème siècle a été conservé mais non relié au sanctuaire). Comme à St Lary, l'ossature en béton armé est utilisée pour structurer l'espace intérieur qui là-aussi bénéficie d'une luminosité étonnante surtout le matin lorsque le pignon Est est éclairé par le soleil; par ailleurs, l'effort d'intégration de cette architecture nouvelle dans son environnement de village pyrénéen nous semble particulièrement réussi.


Comme on vient de le voir avec les réalisations ci-dessus, au cours de cette période d'après-guerre jusqu'aux années 50, c'est un esprit moderniste mesuré qui préside à l'architecture des édifices religieux avec un souci d'intégration dans le bâti existant; ce n'est plus le cas dans la décennie qui suit et au-delà jusqu'aux années 70-80 qui voient au contraire triompher une modernité beaucoup plus marquée, et qu'on pourrait qualifier de «hors sol», au sens d'étrangère au territoire où elle s'implante; cette tendance est d'ailleurs générale dans notre pays qui vit à ce moment-là l'apogée de ce que l'on nommera plus tard les «Trente Glorieuses».

Années 50-60: une modernité assumée


Un monument du 20ème siècle: la basilique souterraine Saint Pie X de Lourdes


historique:
Mgr Théas,évêque du diocèse de Tarbes-Lourdes sollicite dès 1953 un groupe d'architectes afin de concevoir un sanctuaire susceptible d'abriter 20 000 fidèles lors des grands pèlerinages en cas de mauvais temps, fréquent sur un site exposé aux intempéries propres au front pyrénéen; la décision finale de réaliser l'édifice est prise en 1956 avec pour objectif son ouverture à l'occasion du centenaire des apparitions. Le chantier s'ouvre le 30 mai 1956, l'édifice est consacré le 25 mars 1958 après moins de 2 ans de travaux dans des conditions parfois difficiles comme une grande crue du gave qui inonde une partie du chantier et interrompt provisoirement les travaux.
Les maîtres d'oeuvre:
le chef de file du groupement d'architectes et d'ingénieurs choisi est Pierre Vago, éminente personnalité de l'Union Internationale des Architectes, éditeur de l'influente revue «L'Architecture d'Aujourd'hui» porte-drapeau du Mouvement Moderne depuis sa fondation dans les années 30; il est assisté de Pierre Pinsard et André Le Donné, ce dernier particulièrement connu pour ses églises modernes. Surtout, la conception technique de cet ouvrage spectaculaire est confiée à Eugène Freyssinet, prestigieux ingénieur, inventeur du procédé du béton précontraint qui va être utilisé à grande échelle sur cette commande.
Un ouvrage exceptionnel:
L'ouvrage se présente sous la forme d'une vaste ellipse de 201m sur 81 dans ses plus grandes dimensions (forme évoquant aussi la mandorle très présente dans l'iconographie chrétienne) couvrant une surface de 14 000m2 et d'une capacité de 20 000 personnes.


L'ossature en est constituée par une double rangée de 29 béquilles ou portiques en béton précontraint (soit 58 en tout), lesquels supportent autant d'arcs transversaux qui eux-mêmes portent la couverture en béton également; une arête centrale qui sert d'axe de symétrie équilibre l'ensemble de la voûte légèrement bombée, constituée d'un voile de béton qui à l'extérieur a été engazonné pour une meilleure intégration dans le site.


L'espace cultuel, qui mesure 191m sur 61, ainsi dégagé de tout pilier intermédiaire permet d'accueillir théoriquement 20 à 25000 personnes autour d'un autel placé en position centrale; de part et d'autre de cette ellipse , un vaste déambulatoire couvert par une voûte en encorbellement, relié à l'extérieur par 4 rampes d'accès en pente douce fluidifie la circulation des fidèles. Hors des heures des offices et processions au cours desquelles l'éclairage électrique est largement utilisé, les minces fentes horizontales placées à la jonction de la voûte et des murs latéraux éclairent en douceur ce déambulatoire assurant ainsi une atmosphère propice au recueillement.


Cet ouvrage, techniquement et esthétiquement remarquable désormais inscrit à l'inventaire des Monuments Historiques depuis 1995, bénéficiant en outre du label Patrimoine du XXème siècle, peut en effet être considéré comme la plus belle et spectaculaire réalisation du XXème dans notre département.
Le même Pierre Vago a livré non loin de là sur le côté nord de l'esplanade des processions, une douzaine d'années après (1968) une remarquable chapelle semi enterrée (450 places), de forme triangulaire,témoignant de la même foi dans les vertus plastiques et spirituelles du béton armé brut de décoffrage ; notons l'éclairage direct du choeur par une ouverture circulaire pratiquée dans la voûte qui fait penser aux «canons à lumière» utilisés par Le Corbusier au Couvent Dominicain de La Tourette près de Lyon quelques années auparavant.


L'église Ste Bernadette, Tarbes-Figarol


A l'initiative de l'abbé Soulas desservant du Quartier Figarol/Mirasol érigé en paroisse en 1957, une nouvelle église est édifiée en 1958 et consacrée en février 1960; ses plans ont été dressés par Ducoloner, directeur départemental de l'Urbanisme. Construite à la place d'une ancienne chapelle datant de 1933, elle épouse étroitement la forme trapézoïdale de la parcelle.


Précédée par un narthex, la nef conçue pour recevoir 500 fidèles, ce qui montre l'ambition du projet,est orientée à l'est. Dans le chevet semi circulaire se tient le choeur tapissé de pierre de Montgaillard, largement ouvert sur la nef, délimité par deux ambons et les tables de communion.


La façade principale se dresse au sud, en recul de 4m par rapport à la rue, ce qui ménage un espace libre formant parvis; sa remarquable expressivité tient à la fois du jeu des volumes et des contrastes de matériaux utilisés. On remarque en particulier l'opposition entre la façade et le chevet aux rares et étroites ouvertures et le spectaculaire campanile ajouré et aérien s'élevant à 24m de haut (une 1ère version de cette façade visible sur les plans conservés aux archives municipales, montre d'ailleurs un mur-façade quasiment aveugle dans sa partie supérieure).


L'ossature générale du bâtiment est en béton armé tandis que la maçonnerie en élévation est constituée de moëllons de carrière de Lourdes; les parements appareillés avec joints en creux sont eux constitués de pierre de Montréjeau.


Les ouvertures étaient à l'origine garnies d'une sorte de claustra équipé de briques de verre coulé avec nervures en ciment; ce dispositif a semble-t-il été remplacé en 1989 par des vitraux aux motifs géométriques réalisés par JB Létienne, maître verrier à Tarbes.


Eglise St Martin,Tarbes-La Gespe


Edifiée peu après Ste Bernadette au Figarol (elle est consacrée en 1963), on y retrouve les mêmes intervenants:l'architecte Ducoloner, l'entreprise constructrice Dantin, le maître verrier Létienne pour les vitraux, le ferronier Fosse pour le tabernacle en fer forgé. Témoignage ici aussi des ambitions d'une nouvelle paroisse érigée au cœur du quartier résidentiel de La Gespe, aménagé à partir des années 50 par le Nid Bigourdan, coopérative de construction de type HLM, elle est prévue pour une assistance de 1000 personnes. De fait, l'intérieur présente l'aspect d'un vaste hall qui pourrait aussi bien convenir à une activité profane: simple rectangle où l'ossature de béton armé imprime lourdement sa marque, elle est largement éclairée par des fenêtres hautes s'ouvrant sur la façade sud.


On remarque aussi comme à Ste Bernadette, la forte présence de murs quasi aveugles contrastant avec les bandeaux de percements étroits, propres à créer à l'intérieur une atmosphère de recueillement, compensant en partie le caractère un peu impersonnel du bâti.


Le campanile est ici nettement détaché du bâtiment principal pour constituer un fort signal visuel dans un quartier essentiellement pavillonnaire.


Enfin, un intéressant programme décoratif constitué de vitraux conçus par le maître verrier Jean Baptiste Létienne vient s'insérer sur trois parois.Plusieurs registres sont illustrés: la Genèse,l'histoire de St Martin,mort et résurrection du Christ, ainsi que des motifs proches de l'abstraction.


En dehors de Tarbes, plusieurs édifices religieux intéressants sont construits au même moment, témoignant de cette «fièvre bâtisseuse» qui est animée dans notre diocèse notamment par la forte personnalité de Mgr Théas.

Pierrefitte-Nestalas, église St Pierre


Construite en 1959-61 sur des plans de l'architecte palois Castaing, elle présente un fort contraste extérieur/intérieur, bon exemple de compromis esthétique tradition/modernité que nous avons pu voir en œuvre plus haut avec les réalisations contemporaines de Jean Martin en vallée d'Aure-Louron; en effet, si l'extérieur rappelle la physionomie des églises traditionnelles du Lavedan (mur-pignon campanaire, forme générale ramassée, toits d'ardoise à forte pente,étroites fenêtres latérales d'inspiration romane, lanterneau octogonal rappelant celui de l'abbatiale voisine de St Savin), l'intérieur présente au contraire une audacieuse ossature en béton armé: deux grands arcs en plein cintre donnent à la nef une ampleur insoupçonnée de l'extérieur et le lanterneau octogonal placé au centre agrandit encore cet espace tout en assurant un éclairage zénithal du meilleur effet.


Faute de moyens, le conseil de fabrique maître d'ouvrage, n'a pu compléter la décoration intérieure ni les enduits et finitions extérieures laissant ainsi à nu, brut de décoffrage, le béton armé, donnant ainsi à l'ensemble une esthétique-involontairement-«brutaliste», esthétique alors très en vogue parmi les architectes dits «modernes» tels que Auguste Perret ou Le Corbusier;ce dépouillement était par ailleurs conforme à une certaine forme de spiritualité prônée par l'Eglise dans le contexte du concile Vatican II. Cette austérité a été quelque peu atténuée par des travaux de peinture récemment réalisés qui, à notre avis, altèrent un peu l'élégance de l'ossature d'origine.


Lannemezan,Chapelle Notre Dame des Bourtoulets


Erigée en 1963 dans un tout nouveau quartier résidentiel par des ingénieurs des établissements Soulé de Bagnères de Bigorre, elle témoigne par contraste avec l'exemple précédent de l'audace des commanditaires et des maîtres d'oeuvre et de leur volonté d'innovation ou de renouvellement des formes de l'architecture religieuse caractéristique de cette époque.


Capvern-les-Bains, église de la Sainte Trinité


Elle est construite en 1968-69 sur des plans de l'architecte toulousain Paul De Noyers;ce dernier est très actif des années 50 à 60 en association avec Noël Le Maresquier, d'abord localement (cité HLM des Bans et son école primaire à Lannemezan en 1954-58) mais surtout à Toulouse sur des grands projets publics: Cité Administrative(1960) et faculté de droit de l'Arsenal(1965), Ecole Vétérinaire,CHU de Rangueil(1964-75), grand magasin Monoprix rue d'Alsace...
Il produit pour Capvern en cette fin de décennie des «sixties» un édifice très représentatif de cette période et à ce titre désormais inscrit à l'inventaire des Monuments Historiques depuis 2006. Sa structure en béton armé chevauche de manière spectaculaire un étroit vallon où circule une rue parallèle à l'axe principal de la station thermale, tandis que sur le parvis même de l'église est construit en même temps un nouveau bureau de Poste lui aussi dessiné dans l'esprit moderniste de ces années-là.


A l'intérieur de la nef, simple rectangle fermé par un chevet légèrement incurvé, l'ossature poteaux/poutres de béton laissé brut dialogue avec le bois du couvrement et des lambris latéraux.


Enfin, les vitraux, oeuvre de Bruno Schmeltz, aux motifs non figuratifs constitués de pâte de verre colorée, viennent renforcer visuellement une esthétique délibérément contemporaine caractérisée par une grande sobriété décorative.


Deux réalisations atypiques des années 80-90 à Lourdes: complexe Sainte Bernadette et chapelle de l'Adoration.


Dernier né des grands sanctuaires lourdais, le complexe Ste Bernadette est édifié en 1986-88 sur des plans de l'architecte palois Jean Paul Felix, sur la rive droite du gave, au droit de la grotte de Massabielle, à l'emplacement présumé de Bernadette Soubirous lors de la dernière apparition de 16 juillet 1858;il vient compléter l'ensemble des sanctuaires et équipements divers construits sur le site depuis 1 siècle et demi. (à noter que ce projet retenu lors du concours d'octobre 1985 l'emporta face à ceux d'Edmond Lay et Maurice Novarina notamment).
Citons le programme de construction pour expliquer pourquoi nous employons à son propos le terme de «complexe»: «édifice polyvalent,destiné avant tout aux célébrations liturgiques mais également à d'autres rassemblements tels que conférences et carrefours...L'ouvrage à construire doit être conçu en fonction de sa destination (culte,conférences,audiovisuel),de son intégration dans le site.Il ne doit pas nécessairement avoir l'apparence extérieure d'un sanctuaire...Il doit être caractérisé par une grande simplicité de lignes».
Effectivement, on a du mal à imaginer lorsqu'on est devant l'entrée que l'on va pénétrer dans un sanctuaire religieux alors que l'édifice se rapproche plutôt d'un palais des congrès ou d'un centre de rencontres.


Ce complexe comprend néanmoins un vaste sanctuaire d'une capacité de 5 000 personnes dont l'espace intérieur est modulable, deux ailes pouvant être séparées de la nef par des cloisons mobiles;une autre partie renferme un hémicycle de 350 à 500 places plus 4 petites salles de réunion (c'est là que se tient la Conférence annuelle des Evêques de France).Il faut ajouter une grande sacristie, point de départ de cortèges liturgiques.Le gradinage du sanctuaire traité comme un théatre est porté par un ensemble de colonnes cylindriques en béton armé laissées apparentes à l'extérieur ce qui ménage ainsi une vaste galerie de circulation abritée des intempéries et ouverte au regard sur le Gave et la grotte.


Ce grand sanctuaire de forme triangulaire est couvert par une charpente métallique tubulaire en trois dimensions qui contribue encore à rapprocher cet espace cultuel d'un moderne pavillon d'exposition;elle est portée, outre les colonnes indiquées plus haut par une série de colonnes métalliques reposant sur des socles de béton traité de manière sculpturale (de même,les deux bénitiers à l'entrée sont traités comme des sculptures modernes).


Ce côté «high tech» assumé de manière explicite se retrouve sans la chapelle de l'Adoration qui flanque l'édifice à l'ouest, construite par le même architecte 10 ans après en 1995; accolée à une minuscule chapelle d'à peine 15 places destinée à la méditation plus qu'à la célébration, se dresse une construction faite de pans coupés qui prennent un aspect quelque peu «expressionniste»,rompant avec les volumes sages et mesurés du grand édifice voisin.


L'Architecture du XX siècle en Hautes-Pyrénées
L'ARCHITECTURE RELIGIEUSE DU SECOND EMPIRE A NOS JOURS
L'EGLISE CATHOLIQUE DANS LA MODERNITE DU XXEME SIECLE
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Travail de recherche
Maurice MORGA - Professeur retraité
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Florent Lafabrie - CANOPE des Hautes-Pyrénées