Nous retrouvons en effet dans le domaine de l'architecture religieuse un écho des polémiques et divergences doctrinales de l'Entre-Deux-Guerres et plus tard des années 50-60; un sourde résistance aux théories et réalisations des Modernes qui se traduit par la persistance de formes ou de styles que l'on pourrait considérer comme surannés (le néoroman par exemple pour la chapelle du nouveau Grand Séminaire de Tarbes); ou bien, en résonance avec l'affirmation du courant régionaliste la construction(ou la rénovation) d'un certain nombre de lieux de culte en «style pyrénéen» marqué notamment par l'utilisation, en parement des façades, de matériaux locaux type pierre de Lourdes (abbaye bénédictine de Tournay, église St Jean Baptiste de Lourdes dans les années 50).

Par ailleurs, les autres confessions non catholiques, présentes dans les Hautes Pyrénées sont caractérisées par la référence systématique à des architectures traditionnelles qui se sont perpétuées à travers les siècles sans changements notables et qui semblent imperméables à l'idée même de modernité architecturale (église orthodoxe de Tarbes,église ukrainienne de Lourdes, mosquée de Tarbes).


les années 20-30


Le nouveau Grand séminaire de Tarbes ouvre ses portes en 1926 et en son sein la chapelle qui le dessert est ouverte au culte en 1927; édifiée à l'ouest du bâtiment principal, elle est reliée à lui par un corridor sur lequel s'ouvre l'entrée de la chapelle directement inspirée par celle des sanctuaires romans du 11ème ou 12ème siècle: colonnes à chapiteaux, linteau et voussures, tympan sculpté d'un bas relief représentant le Christ en majesté entouré des 4 évangélistes ; la nef couverte d'une voûte en berceau et arcs doubleaux et le choeur niché dans l'abside en demi cercle viennent confirmer ce choix néoroman, ancrant cet édifice dans la tradition historiciste dominante tout au long du 19ème siècle et visiblement encore puissant en ces premières décennies du 20ème. L'extérieur par contre s'inspire directement du modèle voisin de la collégiale d'Ibos avec ses spectaculaires contreforts et son bel appareil de galets roulés de la plaine de l'Adour.


De même, la petite chapelle de l'hospice St Frai (installé près de l'église Ste Thérèse du Marcadieu) dont la 1ère pierre est posée en 1926,s'inscrit dans cette tradition néoromane : elle est l'oeuvre de l'architecte Pignat qui réalise au même moment d'autres chapelles du même type dans le département, à Maubourguet et Castelnau-Magnoac par exemple.


Le même architecte est chargé quelques années plus tard, en 1931, de la rénovation de l'église paroissiale de Ferrières: tout en consolidant l'ossature par des parties en béton (laissé apparent dans les encadrements des ouvertures), il conserve à l'édifice son caractère pyrénéen montagnard en laissant l'appareil de pierre à l'état brut sur l'ensemble des façades.


les années 50


L'église St Jean Baptiste à Lourdes(Lannedarré):


Construite et ouverte au culte en 1954, elle présente un aspect assez austère mais ne manque pas d'allure sur une parcelle étroite et contrainte dont le maître d'oeuvre (non identifié à ce jour) a su tirer le meilleur parti compte tenu de l'impossibilité d'établir un large parvis devant l'édifice bordé par une artère très passante (route de Lourdes à Pau).Tant l'appareil de pierre qui recouvre en parement la totalité de la construction que l'intérieur dénué de toute ornementation ostentatoire lui donnent une allure assurément monacale que l'on peut rapprocher de l'abbaye bénédictine de Tournay bâtie au même moment: autant de caractéristiques qui permettent, nous semble-t-il, de rattacher cette réalisation au courant régionaliste pyrénéen très présent et actif dans nos vallées au cours de la décennie qui suit la 2ème Guerre (et qui précède l'architecture clairement moderniste des années 60 que nous avons présentée dans le chapitre précédent).


C'est ainsi, dans le même esprit, que plusieurs chapelles de montagne sont remaniées ou construites ex nihilo dans divers sites pyrénéens de forte notoriété: par exemple la chapelle du Marcadau reconstruite en 1953 (commune Cauterets) ou celle de La Mongie implantée au berceau même de la station de ski (commune de Campan ,architecte Cahuzac, de Tarbes,1954).


abbaye bénédictine Notre Dame de Tournay


Cette abbaye bénédictine a été fondée par un groupe de moines venus d'En-Calcat (Tarn), d'abord implantés dans l'ancien prieuré de Madiran (1934);l'achat d'un terrain près de Tournay permet la construction d'un nouvel établissement à partir de 1951.Les travaux s'échelonnent sur plus d'une décennie sous la direction de l'architecte Jacques De Saint Rapt, l'église abbatiale étant consacrée en 1958.
Globalement,l'abbaye adopte le plan multiséculaire des abbayes tel que défini par l'ordre bénédictin au Moyen Age: cloître au centre, flanqué de son abbatiale sur un côté, de bâtiments conventuels collectifs (cellules,réfectoire) sur deux autres, un campanile carré venant ponctuer la composition;la pierre pyrénéenne de parement largement utilisée lui donne une touche régionale tandis que la couverture de tuile canal lui donne un petit air italien(ou méridional en tout cas).Les arcs en béton qui portent la toiture affectent également la forme des charpentes primitives en bois qui couvrent souvent les abbayes bénédictines ou les grandes églises romanes italiennes(alors que les églises romanes françaises sont plutôt couvertes de voûtes en berceau).


La touche moderniste vient ici de l'intérieur du sanctuaire:alors que les piliers porteurs en béton de la nef restent couverts de la même pierre qu'à l'extérieur, c'est le mobilier liturgique actuellement installé dans la nef qui frappe par sa modernité; par ailleurs, de part et d'autre de la nef,dans les bas-côtés, les étroits percements verticaux sont décorés de beaux vitraux, œuvre du maître verrier Jean Lesquibe, traités dans un style moderniste qui contraste singulièrement avec l'architecture générale des lieux.


Des années 70 à aujourd'hui



abbaye Notre Dame de l'Espérance, Tarasteix


Cet ancien «désert» fut fondé en 1857 par Hermann Cohen,musicien allemand d'origine juive, converti au catholicisme et admis dans l'Ordre des Carmes Déchaux;la chapelle construite à cette occasion fut dessinée par l'architecte tarbais Jean Jacques Latour, auteur de plusieurs édifices religieux en Bigorre à cette époque, et consacrée par Mgr Laurence évêque de Tarbes. Elle était flanquée au sud par deux petits clochers comme le montre la photographie ancienne ci-dessous:


Après quasiment un siècle d'abandon et de dégradations( par exemple, pendant la guerre 14-18 les lieux servirent à l'enfermement de prisonniers allemands), les bâtiments plus ou moins ruinés furent repris en 1976 par le Père Mercier, ordonné prêtre à Djibouti en 1970, qui rebaptise les lieux «abbaye Notre Dame de l'Espérance»;sous sa seule responsabilité et sans l'aval d'aucune autorité ecclésiastique (ni l'évêque ni l'Ordre des Carmes), il entreprend de restaurer et d'étendre l'ensemble de l'édifice. Le style général adopté est d'inspiration médiévale, plutôt néo roman pour la chapelle et le clocher, néo gothique pour le cloître. Ce dernier est caractérisé par sa taille considérable(60mx40) et son jardin constitué en grande partie d'essences tropicales. Le clocheton sud a fait place à un remarquable clocher néo roman surmonté d'une flèche visible à des km à la ronde au bord du coteau qui précède le plateau de Ger (un 2ème clocher an nord est prévu par le maître d'oeuvre des lieux).


église ukrainienne de Lourdes



Consacrée en 1982, cette singulière église dépend de l'Exarchat apostolique de France des ukrainiens de la Sainte Croix; officiellement appelée église de la Dormition de la vierge, c'est l'église catholique (et non orthodoxe) de la diaspora ukrainienne en France qui a d'ailleurs financé sa construction.
Par son architecture et son décor cet édifice se rattache manifestement à la grande tradition gréco byzantine et son versant slave/russe; en effet, l'édifice se remarque particulièrement dans le paysage lourdais par ses lumineux clochers-bulbes dorés tels que ceux qui parsèment villes et villages d'Ukraine et Russie. L'intérieur se distingue aussi des sanctuaires de rite latin par la présence d'une iconostase séparant la nef réservée aux fidèles du choeur où officient les prêtres;enfin, le style même des représentations des personnages saints est très proche de l'iconographie gréco byzantine traditionnelle.


église orthodoxe serbe de Tarbes



N'ayant pas eu la possibilité de visiter par nous-mêmes cet édifice, nous reprendrons ici, avec son autorisation,les informations et les photographies réunies par Madame Jacqueline Dupuits (membre de la Société Académique des Hautes-Pyrénées) pour son étude «églises et chapelles de Tarbes d'hier à aujourd'hui» (2011).
Construite en 1986 Route de Lourdes (au 112 Avenue Aristide Briand), cette église dédiée à Notre Dame de Vie a été consacrée en 1988; elle est censée regrouper les fidèles de Bigorre,Béarn,Pays Basque et sud Gascogne, sa maison-mère étant située à Lavardac (Lot et Garonne).En réalité, il s'agit d'une église dissidente non canonique dont les pratiquants semblent de moins en moins nombreux au point que l'édifice paraît quasi désaffecté; néanmoins, l'intérieur comporte de magnifiques fresques retraçant l'Ancien Testament,la vie du Christ et les saints orthodoxes d'Occident et d'Orient ainsi qu'un bel ensemble sculpté (iconostase,trône épiscopal et pupitre de choeur), des icônes byzantines et un grand lustre athonique.


mosquée de Tarbes



Ouverte au culte en 2008, portant le nom d'Omar Ibn Al Khattab (un des compagnons du Prophète lui ayant succédé), elle a été édifiée sur un terrain cédé par la ville Tarbes Place Germain Claverie en bordure de la place de l'Industrie; financée par les dons des fidèles gérés par l'Association des Musulmans des Hautes Pyrénées, elle a été construite selon les plans de l'architecte Larbi Ben Ouali.
Au-delà de sa fonction religieuse proprement dite,la mosquée constitue un véritable petit complexe à la fois cultuel et culturel qui se déploie sur 3 niveaux; en effet, outre les deux salles de prières (la plus grande au rez-de-chaussée, la plus petite au 1er), elle comporte un certain nombre de salles dédiées aux activités sociales de la communauté des fidèles: une salle de conférences et débats, deux salles d'enseignement pour les enfants (notamment alphabétisation en langue arabe et enseignement du Coran),une salle pour la pratique des traditions culinaires,enfin au sous-sol une salle de gymnastique équipée d'appareils d'entraînement et de musculation, un dernier niveau dans les combles étant pour l'instant sans affectation précise.
L'architecture et l'esthétique générale de l'édifice sont directement inspirées des modèles traditionnels du Maghreb (dont le minaret carré à degrés);au demeurant, les carreaux de majolique ornant les salles de prière, la salle aux ablutions,les escaliers et la porte d'entrée monumentale sont directement importés du Maroc.


Photographies de Maurice MORGA
L'Architecture du XX siècle en Hautes-Pyrénées
L'ARCHITECTURE RELIGIEUSE DU SECOND EMPIRE A NOS JOURS
LE XXEME TRADITIONALISTE
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Travail de recherche
Maurice MORGA - Professeur retraité
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Florent Lafabrie - CANOPE des Hautes-Pyrénées