C'est d'abord une clientèle aisée ou fortunée qui est sensible à cet esprit nouveau et c'est donc tout naturellement dans la réalisation de villas cossues et confortables qu'il se trouve le mieux représenté.

Parmi les résidences particulières, on peut distinguer peut-être les maisons de ville implantées au long des nouvelles artères des quartiers résidentiels plus ou moins chics ou bourgeois (ex autour du jardin Massey) sur des parcelles relativement réduites, des villas associées à un jardin privé souvent de belle taille dans les nouveaux quartiers périphériques (la banlieue de l'époque) ou les quartiers thermaux et de villégiature conçus pour l'agrément dans les villes d'eaux (Argelès, Bagnères).

On notera à cette occasion que autant que dans l'aspect général de l'édifice, l'innovation se situe souvent dans les plans (distribution intérieure en rapport avec nouvel art de vivre et confort moderne) et dans la liberté d'utilisation des nouveaux matériaux fournis par l'industrie . en effet, les nouveaux espaces intérieurs introduisent des références au confort anglais : hall, living-room… et font une place significative à la relation au jardin et au paysage extérieur : terrasses, balcons, solarium…(nous sommes à l'époque où les classes aisées établissent de nouveaux rapports avec la nature dans le cadre des loisirs de plein air et des préoccupations hygiénistes).

1-Maison de ville, 58, rue André Fourcade, Tarbes



Bien que bâtie sur une parcelle étroite, elle est mise en valeur par son implantation en léger retrait par rapport à l'alignement général de la rue,ce qui crée un jardinet à l'avant, et par la construction d'une « tour/escalier » nettement décrochée de la façade ce qui dynamise l'ensemble de l'immeuble qui sans cela serait assez banal ; par ailleurs, le voisinage d'un pavillon néo classique directement accolé, contribue involontairement à souligner ses qualités décoratives qui s'expriment surtout sur la façade ouest orientée vers le Jardin Massey (cependant, la construction d'un gros immeuble résidentiel dans les années 60 l'a quelque peu écrasée).


c'est donc le programme décoratif de cette façade qui retiendra notre attention :
chaînages de briques, moulures horizontales en ciment, alternance de crépis granuleux et d'enduits lisses, céramiques émaillées aux motifs floraux, linteau de la porte d'entrée décoré d'un bas-relief dans le style « coup de fouet », charpente débordante alternant chevrons de bois et modillons de céramique bicolores.


Ajoutons à cela la tour dont l'élévation assez modeste est soulignée par l'alignement des trois ouvertures qui créent un élan vertical tandis que les éléments horizontaux (débord de toit, moulures) l'unifient au reste du bâti.


2-Villa Oustau (1910-13) 24, Avenue Jean Jaurès, Aureilhan


Construite de 1910 à 1913 par l'architecte Paul-Louis Gely, elle a été la demeure de l'industriel Laurence Oustau jusqu'à son décès en 1929. Classée en 1994 à l'inventaire supplémentaire des Monuments Historiques, elle est désormais la propriété de la ville d'Aureihan qui l'a reconvertie en centre culturel municipal (ECLA pour « Espace Culture Loisirs d'Aureilhan ») ; cette nouvelle affectation s'est faite dans le plus grand respect du bâti et de la décoration intérieure ce qui nous permet de voir aujourd'hui un ensemble homogène très représentatif du goût en vogue dans la haute bourgeoisie locale (restauration menée par Jean Jacques Durancet, architecte GCAU).

Avec les anciennes écuries construites en 1910 (incluses dans l'enceinte de la propriété) et les façades et fours de la tuilerie voisine eux-mêmes classés (1881 pour l'usine rouge, 1887 pour l'usine blanche), elle constitue un ensemble d'édifices tout à fait remarquables par leur intérêt architectural et historique.


La villa ayant fait l'objet d'une étude approfondie de la part des services de l'Inventaire de la région Midi-Pyrénées, nous renvoyons le lecteur à deux sources qui comportent à la fois descriptions, analyses historiques et images abondantes :

  • la brochure « l'usine de céramique Oustau à Aureilhan » de Jérôme Bonhotte et Yves Cranga coll. Itinéraires du Patrimoine, Accord Edition,2003
  • et très facile d'accès le site Internet http://patrimoines.midipyrénées.fr/

    Pour notre part nous nous contenterons de vous présenter un album de photographies sur quelques points qui nous paraissent importants dans le cadre de notre étude :

  • observons la sobriété d'ensemble des volumes bâtis d'une villa qui évite l'exubérance ; c'est la façade ouest, celle qui accueille le visiteur, qui montre le plus de variété (notez par exemple la loggia qui accompagne l'entrée), tandis que les autres présentent une grande simplicité.


  • la très grand importance accordée à la liaison avec le jardin et l'espace extérieur par le jeu des vastes terrasses et du solarium du 1er étage :


On voit comment les terrasses enveloppent littéralement le bâtiment et prolongent les pièces de séjour du rez-de-chaussée vers le jardin (photo « façade est ») ; notons que l'architecte a fortement souligné leur présence par une puissante balustrade qui contribue à incorporer cet espace dans celui de la demeure proprement dite ; observons aussi l'importance accordée aux ouvertures sur le parc ou le ciel : trois grandes portes-fenêtres au rez-de-chaussée, trois autres au 1er donnant sur des balcons, allèges des autres fenêtres réduites au minimum au profit d'un garde-corps ajouré. Tout cela montre de la part de l'architecte et de son commanditaire un désir de faire rentrer la lumière à flots dans l'édifice et d'inciter à la circulation intérieur/extérieur.

  • la qualité du programme décoratif, particulièrement soigné car véritable catalogue en plein-air des matériaux fabriqués par l'entreprise elle-même : sur le bâtiment principal l'enveloppe de briques claires est sobrement rythmée par des chaînages horizontaux de briques rouges qui soulignent les trois niveaux et marquent également les angles. La fantaisie se déploie davantage sur les parties hautes :
    Une élégante frise alternant briques émaillées rouge vif et bleu , motifs floraux de carreaux de céramique, cabochons colorés à dominante verte, court tout au long de l'édifice au ras des combles eux-mêmes soulignés par la charpente débordante en bois peint en brun. La toiture enfin apporte une touche de pittoresque avec ses tuiles vernissées en écaille et ses hautes cheminées. Au total, un ensemble de grande qualité et d'une facture très soignée.


  • quelques touches Art Nouveau surtout dans la cage d'escalier :


Et dans la décoration intérieure


  • on notera aussi une « touche « moderniste » dans l'aile sud qui se distingue du reste de l'édifice : volume géométrique, larges ouvertures horizontales équipées de huisseries métalliques, matériau constructif utilisé (« pierre creuse artificielle » nouvelle spécialité de l'usine) proche de l'aspect lisse du béton.


3- Villa Rachel Lourdes (à côté de l'Hôtel de Ville)


Construite en 1902, d'une surface de 400 m2 sur deux niveaux, elle porte le nom de la fille de Me. Navarret, avocat, son propriétaire (les lettres « N » et « S » entrelacées à la base de la rampe d'escalier sont les initiales de Jean François Navarret et son épouse Jeanne Soulé) ; acquise par la ville en 1993, elle est rénovée en 2001 et abrite aujourd'hui les services techniques de la ville de Lourdes (informations puisées sur le site de M. Mezaille).

Elle apporte une note de fantaisie architecturale, de même que la Villa Gazagne toute proche, avec une libre interprétation du mur pignon traditionnel à « penaous » très répandu dans les fermes des vallées pyrénéennes (ou est-ce du néo flamand ?).


4- Les villas d'Henry D'Agrain, quartier thermal, Argelès-Gazost


Le vicomte Henry d'Agrain, originaire de Bourgogne, grand voyageur mais atteint de poliomyélite qui le handicapait fortement, séduit par le Lavedan, se fixe à Argelès dans les premières années du XXème siècle ; il achète vers 1908 une vaste parcelle à proximité du parc thermal partagée par une allée qui deviendra plus tard l'actuelle Avenue Nansouty. Là, dans une démarche de promoteur immobilier, il lotit sa parcelle et cinq villas seront construites dont quatre à des fins locatives (une des cinq, la villa Massabielle, devenant sa propre demeure).

Les plans en sont établis par l'architecte G. Larrieu ( date attestée pour la villa Piccina :novembre 1909) et elles présentent effectivement un « air de famille » notamment l'usage de l'arc « outrepassé » dans beaucoup d'ouvertures, ce qui leur donne un petit côté oriental ou exotique :

  • La villa Massabielle, la plus vaste, nous semble la plus élaborée et aussi la plus proche de l'esprit Art Nouveau.


- villa Recco




- villa Piccina




- villa Mek Toub




Photographies de Maurice MORGA
L'Architecture du XX siècle en Hautes-Pyrénées
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Maurice MORGA - Professeur retraité
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Florent Lafabrie - CANOPE des Hautes-Pyrénées